Sur la
supposée restitution des œuvres d’art africaines par
Emmanuel Macron balayant les lois de la République.
I-
Quel grand dépeçage à la fois
sadique et masochiste du patrimoine de la nation ?
Par Jacky REAULT
II Les articles de
Didier Rykner
dans La Tribune de l’art
Où l’on pourra admirer les superbes illustrations.
https://www.latribunedelart.com/rapport-sur-les-restitutions-rendons-tout-dieu-reconnaitra-les-sien
https://www.latribunedelart.com/emmanuel-macron-met-fin-a-l-inalienabilite-des-collections-publiques
Cher Benoît,
Extraits de la lettre
accompagnant l’envoi de deux articles de la revue
(ci-dessous) 30 novembre 2018 par Jacky Réault
J’avais vu passer un
article plus sommaire sur cette nouvelle manifestation
de repentance masochiste instrumentalisée, mâtinée de
renvoi d’ascenseur sordide aux bailleurs de fond de la
campagne.
Ces deux textes sont
remarquablement complets et précis, mais pour moi ils
désignent plus largement la seule stratégie claire de Mr
Macron, dont les motivations m’échappent (outre
l’ivresse d’un pouvoir sans limite) entre haine de notre
histoire et mystique d’une utopie euro-mondialiste à
contre-pied de toute sanction réelle.
Tout se présente comme si,
à mes yeux, il s’agissait de dissoudre ce pays, (cf. son
alliance avec Boucheron (qui l’ennoblit en l’indexant à
Machiavel) l’ « historien » de l’abolition de l’Histoire
de France qui ne serait plus que terra nullius du Monde
entier sauf nous).
Entre une Histoire
coloniale réduite à une fable trotskyste (nous sommes
les heureux colonisés de Rome et la colonisation est un
phénomène historique universel), un empire du mal
collectionnant les « crimes contre l’humanité », que
l’on dénonce à l’étranger, les uniques acteurs de
la Traite alors qu’il n’y eut pas un esclave qui n’ait
été payé aux royaumes noirs esclavagistes qui se
faisaient des guerres immémoriales pour cela bien avant
qu’une trentaine de ports européens arabes (bien plus
longtemps) ne valorise l’aubaine en ajoutant (à
l’occident) le productivisme capitaliste aux Amériques .
Etc., il n’est jusqu’au lexique de cette affaire pourrie
qui ne dise autre chose d’infâme (le terme de
« restitution » n’a été utilisé que pour les spoliations
nazies des biens juifs et qu’à donc en tête, cette
pseudo experte en rajoutant « dans la joie », entre
masochisme et sadisme.. cf. de surcroît l’hymne
européen... le Graal de Macron...Heureusement
l’Allemagne se méfie.
Il y a une semaine
Frédéric Mitterrand refusant d’abonder dans
l’acharnement (de repentance) des idéologues de France
Culture, précisait à propos d’un précédent retour
(dûment justifié au cas par cas) don d’Etat,
qu’effectivement toutes les pièces avaient disparu dans
les six mois suivants perdues à jamais, entre marché
noir collectionneurs privés et délabrement, aux dépens
de la mémoire africaine même..
Macron veut verrouiller
tout ce qu’il peut par des faits accomplis...d’autant
plus énervé qu’il ne pourra pas tout. Il est
beaucoup plus nocif encore que Hollande quoique
peut-être (pas sûr) plus prudent sur le sociétal...
Comment au même moment ne
pas évoquer le sidérant profil bas des autorités
françaises concernant Carlos Goshn, (génial manager,
seulement trop sûr de lui...qui a mis d’un coup Renault
et Nissan au bord du dépôt de bilan, au premier rang
mondial) et la lâcheté de ses congénères patronaux
tellement « à l’international », également déshonorants.
Cet aplatissement face à ce qui est d'évidence un
montage à façade juridique (aucune charge précise ne
peut être avancée) pour reprendre l’affaire à la
hussarde (c’est fait), assorti d'une cruauté d'un autre
âge (incarcération de lynchage spectaculaire) pour
intimider définitivement, augure mal de l'avenir
international de notre pays et de notre économie,
abstraction faire de l’encouragement à un impérialisme
nippon plus que renaissant.. . Sans souveraineté
affirmée et sans narcissisme minimum, il n'y a plus de
sujet politique et à plus forte raison géopolitique.
Hélas il semble que ce soit le seul grand objectif
stratégique de Mr Macron. Et nous qui croyions avoir
touché le fond avec Hollande... Jusqu'où ?
(Ajout
à la mise en site 1° déc 2017).
Ce précédent pourrait ouvrir à la plus
grande spoliation de notre Histoire, lorsque des
gouvernements désormais aliénés à la norme européenne,
auront vendu tous les autres "bijoux de famille" du
patrimoine bâti, ce qui est déjà en cours notamment
depuis le règne précédent.
Rapport sur
les restitutions : rendons tout, Dieu reconnaîtra les
siens
Didier Rykner mardi 20 novembre
2018 99
commentaires
1. Bénédicte
Savoy lors de sa conférence sur
les restitutions au Festival de l’Histoire de
l’Art 2018, à Fontainebleau
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page
En confiant à Bénédicte Savoy
et à Felwine Sarr un rapport sur la « restitution »
des œuvres d’art africaines à l’Afrique (terme très
connoté puisqu’il présuppose que les œuvres sont
illégalement conservées en France), le Président de la
République prenait, à notre sens, un véritable risque
pour les musées. Car si un rapport, comme nous l’a
précisé l’Élysée à ce propos, « a
seulement comme vocation à éclairer une réflexion »
- en l’occurrence « celle que le
président avait lancée à l’occasion du discours de
Ouagadougou » - et s’il « n’engage
absolument pas sa politique », on peut
craindre que la teneur de celui-ci ne mette la France
dans une position intenable.
Le choix de ces deux
personnalités devait fatalement aboutir aux
préconisations très inquiétantes de leur rapport.
Bénédicte Savoy ne s’en était pas cachée à peine la
mission annoncée : elle était favorable aux restitutions
« dans la joie [1] »,
et elle n’hésitait pas (ill.
1) au dernier Festival de l’Histoire de l’Art (comme
elle le fait dans le rapport) à citer un film américain
de super-héros (Black Panthers)
pour argumenter. Un peu comme si on citait Spiderman
pour un rapport sur la sécurité nucléaire…
Quant à Felwine Sarr, proche des Indigènes
de la République et fervent
défenseur de Tariq Ramadan, il ne fallait
évidemment rien attendre d’autre de lui qu’une
proposition de « restitutions » massives.
Le rapport sera donc remis
officiellement vendredi et publié dans la foulée par un
éditeur privé. L’Élysée nous a en effet précisé qu’un
rapport remis au Président de la République n’a pas
vocation à être publié, mais que ses auteurs, en
l’occurrence des universitaires, conservent leur droit
d’auteur et peuvent le diffuser par ailleurs [2].hypocrisie
Ceux-ci s’étant vu adjoindre une fonctionnaire du
ministère de la Culture (payée donc par le ministère) et
s’étant largement promenés dans les pays africains
(Bénin, Sénégal, Mali et Cameroun) comme ils
l’expliquent dans leur rapport que nous avons pu nous
procurer, le tout - même s’ils ne sont pas rémunérés par
cette mission comme nous l’a également précisé l’Élysée
- nous semble éminemment discutable, quoique légal.
Si le rapport rendu est heureusement en français, nous
n’avons pu en consulter que la version anglaise. Nous
donnerons donc notre propre traduction (et le texte en
anglais) qui différera sans doute à la marge de celui
qui sera publié, puisqu’il résultera d’un passage du
français à l’anglais, puis de l’anglais au français.
Avant de passer au contenu de
ce rapport et à la manière dont il a été rédigé, cédons
la parole à Maître Yves-Bernard Debie, avocat en droit
du commerce de l’Art et des biens culturels : « ce
rapport est vicié et donc inopérant et sans effet dans
la mesure où la mission confiée par le Président de la
République, qui prévoyait notamment l’obligation pour
les rapporteurs de consulter le « marché
de l’art », n’a pas été respectée.
Aucun marchand d’Art premier français n’a été consulté. »
L’avocat ajoute encore : « pour autant
que je sache, le traitement réservé aux Musées n’a guère
été plus éclairé puisque Madame Savoy et Monsieur Sarr
se sont contentés de leur demander de dresser et « géo-localiser »
une liste d’oeuvres africaines à restituer. On est bien
loin d’un « groupe de travail,
international et paritaire, engageant un dialogue
transparent et participatif » que
prévoyait la mission ».
Nous pouvons également
préciser que la lettre de mission signée par Emmanuel
Macron précisait bien qu’il s’agissait de « constituer
autour des rapporteurs un groupe de personnalités de
bonne volonté, issues des différentes parties prenantes
de cette question (musées et conservation du patrimoine,
droit international, recherche, organisations
internationales, milieu associatif, politique et
militant, marché de l’art, etc.) qui puissent exprimer
des points de vue diversifiés et ouverts sur cette
question ». Or, si l’on en croit la
méthode décrite dans le rapport, non seulement ce groupe
de personnalités représentant toutes les parties
prenantes n’a jamais existé, mais seules deux réunions
d’un groupe de « critical friends »
ont été organisées. Le premier réunissait le 26 mars
2018 seulement six personnes, dont le juriste ayant aidé
les rapporteurs, la directrice du Musée Dapper, le
président du Musée du Quai Branly, le directeur
artistique du SAVVY Contemporary Berlin et surtout
Louis-Georges Tin et Marie-Cécile Zinsou, deux
personnalités particulièrement revendicatives sur les
restitutions. On doit pouvoir faire mieux en terme de
représentativité... La deuxième (et dernière) réunion de
ce groupe réunissait à peu près les mêmes personnes, y
compris bien sûr Louis-Georges Tin et Marie-Cécile
Zinsou. La demande du Président de la République a été
entièrement bafouée.
Comme l’a révélé Le
Point (qui semble être le
premier à avoir pu consulter le rapport) : pour
Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, il ne peut y avoir de
restitutions que « définitives »,
pas temporaires contrairement à ce que suggérait le
Président de la République. Tout le rapport n’envisage
donc que des retours définitifs en Afrique des œuvres
d’art des musées français (il n’aborde pas directement
la question des collections particulières).
Si la première partie se
penche essentiellement sur des considérations générales
concernant l’entrée des œuvres dans les collections
nationales, pas un seul instant les auteurs ne mettent
en perspective la complexité de l’histoire coloniale,
par exemple en rappelant, comme on pouvait le lire sur
ce site (voir l’article),
que la partition entre le bien et le mal est parfois un
peu plus complexe que la manière dont ils voient les
choses. Mais comment le leur reprocher quand celui qui a
parlé de « crime contre l’humanité »
à propos de la colonisation est bien Emmanuel Macron.
Pourtant, les rapporteurs ne basent pas leur
raisonnement favorable aux restitutions explicitement
sur la repentance (même si elle imprègne tout le
document). La justification la plus importante pour eux
est le chiffre de 90%, soit la proportion d’œuvres d’art
africaines qui seraient actuellement conservées hors
d’Afrique (le rapport parle uniquement de l’Afrique
sub-saharienne). Un chiffre invérifiable pris depuis
longtemps comme une vérité, qui suffirait à rendre
différent le cas de l’art africain, et donc applicables
seulement à celui-ci les solutions drastiques qu’ils
préconisent.
2. Statue du Dieu Gou, vers
1858
Voir l´image dans sa page
Celles-ci sont simples : on
rend tout, ou presque, comme le titrait Le
Point, et ceci quelles que soient les
lois, internationales ou nationales, sur lesquelles ils
s’assoient allègrement. Les lois internationales, comme
celle qui veut que la pratique du pillage des biens
culturels pendant les campagnes militaires n’a cessé
d’être légal qu’en 1899, avec la signature de la
convention de La Haye par vingt-quatre nations ? Ils les
reconnaissent, mais s’en affranchissent. Les lois
nationales comme l’inaliénabilité du patrimoine des
musées français ? Ils proposent de les changer (même si
leur solution n’est guère juridiquement concluante).
On rend tout, donc, en classant les œuvres de la manière
suivante :
tous les objets provenant de campagnes militaires, à savoir :
* la campagne de Segou en 1890 (aujourd’hui au Mali),
* la campagne d’Abomey en 1892,
* les représailles contre Samory Touré en 1898 [3],
* mais aussi plus généralement tous les objets provenant
de prises de guerre d’autres armées que l’armée
française, ou les objets donnés aux musées français par
des officiers et des médecins militaires impliqués dans
les opérations militaires,
doivent être restitués. Les seules exceptions (pour la
dernière catégorie) sont ceux pour lesquels des preuves
impliquent le consentement.
La recommandation précise
même que tous ces objets doivent être restitués « en
dépit de leur statut juridique de trophées militaires
obtenus avant l’adoption en 1899 de la première
Convention de La Haye codifiant les lois de la guerre ».
En gros : ce n’est en rien illégal, mais il faut le
rendre quand même.
tous les objets provenant de missions scientifiques doivent être
rendus « sauf s’il y a des preuves
explicites ou des informations témoignant du plein
consentement de la part des propriétaires ou des
gardiens des objets au moment où ils en ont été séparés [4].
Sous prétexte (et ils ne citent pour toute preuve qu’un
texte de Michel Leiris) qu’il y a eu des missions qui
ont réellement volé des œuvres, toutes celles-ci doivent
être restituées, en renversant d’ailleurs la charge de
la preuve.
tous les dons effectués aux musées français par des agents du
gouvernement français colonial ou leurs descendants si
le consentement du vendeur original ne peut pas être
attesté [5]
tous les objets acquis après 1960 (l’indépendance) dont il est prouvé
qu’ils ont été acquis via un trafic illicite. Il ne
s’agit ici de rien d’autre que de l’application de la
loi, à laquelle nous n’avons rien à redire.
Ce que Felwine Sarr, qui
est sénégalais, ne précise pas, alors que le rapport
s’indigne - pour une fois à raison - que des pièces
prêtées par le musée d’Art Africain de Dakar à la France
en 1935, 1957 et 1967 ne lui aient pas été rendues,
c’est s’il va demander à ce musée dont une partie des
collections, qui ne relèvent pas du Sénégal mais de pays
voisins, fut constituée à l’époque coloniale, la
restitution de ces biens « mal-acquis ».
3. Collier Ségou, avant 1933
CVoir
l´image dans sa page
Il n’est donc pas exagéré
d’écrire que la préconisation du rapport Savoy-Sfarr est
de rendre tout, ou presque. Et les modalités de
restitution ne traînent pas.
Il s’agit en effet de restituer « d’une
manière rapide et complète et sans recherches
approfondies concernant leur provenance ou origine, de
tous les objets pris par force ou présumé acquis dans
des conditions inéquitables [6] »
On rend tout, et on se préoccupe de savoir si c’est
justifié après.
Seuls pourront être conservées dans les musées français
les œuvres africaines dont il a pu être prouvé un libre
consentement et une transaction documentée et équitable,
et celles acquises après 1970 (si, bien sûr, aucun « risque
éthique » n’a été pris…). Bref, si ce
rapport est appliqué, l’État va pouvoir vendre le
bâtiment de Jean Nouvel. Quant au Louvre, il va pouvoir
rapidement récupérer le Pavillon des Sessions
actuellement affecté à quelques-uns des plus beaux
objets africains.
4. Défense sculptée
Nigéria,
Voir l´image dans sa page
Les délais seront
d’ailleurs rapides, puisque la
préconisation du rapport est qu’entre novembre 2018
(nous y sommes) et le printemps 2019, autant dire
demain, la première phase des restitutions, soit menée,
c’est à dire notamment celle de toutes les statues
royales d’Abomey au Bénin (y compris celle du roi Gou - ill.
2-, pillée par le roi Glélé à une ethnie plus au nord…)
ou au Sénégal du sabre d’El Hadj Omar Tall (Musée de
l’Armée), de tous les objets conservés au Musée
d’histoire naturelle du Havre, et des colliers (ill.
3), pendants, perles et médaillons du Musée du Quai
Branly, de différentes pièces importantes au Nigéria (ill.
4), au Mali (ill. 5), à
l’Éthiopie, au Cameroun (ill.
6)… Beaucoup de pays qui, par parenthèse, n’ont
d’ailleurs formulé aucune demande de restitutions…
La deuxième phase - du printemps 2019 à novembre 2022 -
consistera notamment en un inventaire précis des œuvres,
à leur numérisation et à la réunion de commissions
chargées d’examiner les demandes de restitution. Les
restitutions pourront donc se poursuivre « dans
la joie » et se terminer, mais pas
forcément en novembre 2022 puisque : « la
procédure de restitutions ne doit pas être limitée dans
le temps ».
5. Masque zoomorphe
Mali, avant 1930
Pour restituer, les
rapporteurs veulent tout de même se donner l’apparence
de la légalité. Ce qui suppose de changer la loi, ce
qu’ils estiment manifestement possible de faire entre
fin novembre et le printemps 2019, puisque les premières
restitutions devront avoir eu lieu à cette date.
Pour dire le vrai, le rapport
est tout sauf clair sur la manière d’y parvenir (ce qui,
d’une certaine façon, est plutôt rassurant). En effet,
il n’est pas possible légalement de prétendre que les
œuvres sont entrées illégalement dans les collections
(ce qui permettrait de passer outre la loi sur
l’inaliénabilité). Le contexte des acquisitions, selon
leurs propres termes « ne sont pas
légalement qualifiables de crimes d’après les lois
internationales, à la différence des spoliations nazies
pour lesquels un acte juridique spécifique a été mis en
place, et des pillages et destructions qui ont eu lieu
après la convention de l’UNESCO de 1954 pour la
protection du patrimoine culturel en cas de conflit armé [7] ».
Que faire alors ? Rien de
plus simple : « Il est certainement
légitime de poser la question d’une loi pour la
restitution des objets emportés dans des circonstances
similaires et des actes de violence commis pendant la
période coloniale. [8] »
Ils proposent donc qu’un accord « bilatéral [9] »
soit passé qui établirait « l’exemption
du principe général d’inaliénabilité et qui limiterait [la
nouvelle procédure de restitution] à
cette seule hypothèse [10].
Ce bricolage législatif ne sera d’ailleurs : « pas
limité aux objets conservés dans les musées [11]. ».
On ne sait trop ce que cela signifie, mais il est
probable que les collectionneurs privés ont des soucis à
se faire.
Où seront conservées les
œuvres « restituées » ?
Le rapport n’aborde pas la question de la capacité des
pays à conserver les œuvres, et pour cause : le musée,
c’est très surfait : « Les objets
pourraient trouver place dans des centres d’art, des
musées d’université, des écoles, ou même au centre de
communautés pour des usages rituels, avec la possibilité
de les utiliser alternativement avec un retour dans des
centres locaux chargés de leur préservation [12] » ;
Il faut en effet - c’est écrit plus loin -
« démystifier les notions
occidentales d’héritage culturel et de préservation [13] ! ».
On sait ce qu’il advient de ce type de considération
quand on se rappelle que les 144 œuvres envoyées du
musée de Tervuren en Belgique au musée de Kinshasa en
1975 ont pour l’essentiel disparu. Les auteurs parlent
de cette affaire mais occultent soigneusement la
disparition de ces objets pour regretter qu’il n’y en
ait eu que 144 restitués au lieu des 122 000 inventoriés
à Tervuren. On peut juger, à l’aune de cette omission,
l’honnêteté intellectuelle de ce rapport [14].
Un peu plus loin d’ailleurs, le rapport précise que « Dans
beaucoup de sociétés africaines, les
statues aussi périssent [15] ».
Ce qui est d’ailleurs exact. Mais plutôt que de
considérer justement que les œuvres conservées par les
musées européens ont été sauvées de cette destruction,
on envisage froidement que leur restitution aboutisse
ainsi à la disparition à laquelle elles étaient vouées…
Quelles suite le Président de
la République va-t-il donner à un tel rapport - qui,
nous a-t-on dit, ne l’engage pas ? On aimerait croire
qu’il aura le courage de faire la seule chose sensée qui
s’impose : le mettre directement à la poubelle. Mais
on peut hélas tout craindre de sa part, d’autant que
la publication va déclencher immanquablement de fortes
réactions des partisans des restitutions qui, faute de
connaître le dossier, et certains d’être dans le camp du
bien, sont de plus en plus nombreux. Les événements le
dépassent, il est à craindre qu’il feigne de les
organiser.
Didier
Rykner
Notes
[1] Voir
cette tribune du Monde :
« Restitution
du patrimoine africain « Il faut y aller dans la joie » ».
Le rapport emploie également l’expression « restitution
joyeuse et consentante » (« happy
and consented restitution »).
[2] Ce
que nous a confirmé l’éditeur.
[3] Ils
sont conservés au musée de l’Armée et ont été confisqués
sur un territoire correspondant à la Guinée et la Côte
d’Ivoire, mais le rapport ne dit pas à quel pays les
restituer…
[4] « unless
there is explicit evidence or information witnessing to
the full consent on the part of the owners or initial
guardians of the objects at the moment when the objects
were separated from them. »
[sic].
[5] Remarquons
ici que la version anglaise s’emmêle les pinceaux
puisqu’on peut y lire : « as
long as consent on behalf of the original seller can be
can be attested [sic]. »
[6] « in
a swift and thorough manner without any supplementary
research regarding their provenance or origins, of any
objects taken by force or presumed to be acquired
through inequitable condition »
[7] they
are not legally quantifiable as crimes under
international law, in contrast to the Nazi spoils for
which a specific juridical act was placed into effect,
and the plundering and destruction that happened after
the UNESCO Convention of 1954 for the protection of
cultural heritage items in case of armed conflict
[8] « it
is certainly legitimate to pose the question of a law
for the restitution of objects taken under similar
circumstances and acts of violence committed during the
colonial period. »
[9] Il
est évidemment impossible de passer un accord bilatéral
avec plusieurs pays ; il s’agit bien sûr ici de
plusieurs accords « bilatéraux »,
avec autant de pays concernés, ce qui rend la procédure
encore moins exceptionnelle.
[10] « the
exemption of the general principle of inalienability and
limits it to this sole hypothesis »
[11] « not
be limited to objects only housed in museums.
[12] « the
objects could find their place within art centers,
university museums, schools, or even at the center of
the communities for ritual uses, with the possibility of
an oscillating use and return of the objects to local
centers charged with their preservation. »
[13] « demystify Western
notions of cultural heritage and preservation »
[14] On
peut l’apprécier également, par exemple, quand il parle
de la « mémoire encore très vive »
de la « fin du royaume d’Abomey »,
sans même évoquer la mémoire également très vive de la
ville de Kétou libérée des rois d’Abomey par l’armée du
colonel Dodds, et qui fêtait naguère encore le
centenaire de cette libération (voir l’article).
[15] « In
a number of African societies, statues
also perish ».
Mots-clés
Paris, Musée du Quai Branly Revendications
et restitutions d’œuvres d’art Inaliénabilité
et aliénabilité
https://www.latribunedelart.com/emmanuel-macron-met-fin-a-l-inalienabilite-des-collections-publiques
Emmanuel
Macron met fin à l’inaliénabilité des collections
publiques
Didier Rykner vendredi 23
novembre 2018
Ce que vient de faire le
Président de la République est extrêmement grave. Sans
attendre un processus législatif forcément long et
d’ailleurs à l’issue incertaine, il décide, lui tout
seul, dans son coin, le jour même de la remise du
rapport Savoy-Farr dont nous avons démontré
ici la manière dont il était biaisé et avait
été mené sans même respecter les consignes qu’il avait
donné, d’offrir au Bénin vingt-six œuvres appartenant
aux collections publiques françaises.
Sossa Dede
Statue royale anthropo-zoomorphe,
entre 1889 et 1892
Voir l´image dans sa page
Nous renvoyons à
l’article qu’avait écrit sur notre site
Yves-Bernard Debie pour comprendre de quoi il s’agit.
Ces œuvres, prises de guerre effectuées en 1892 contre
un roi qui n’avait pas hésité à mettre le peuple Yoruba
en esclavage (celui-ci fut délivré par le colonel Dodds,
et la place du centenaire de la Libération de Kétou
célèbre ce fait d’arme), sont tout à fait légalement
conservées au Musée du Quai Branly et au Louvre selon
les lois internationales. Ajoutons qu’au moins une
sculpture qui sera « restituée »
au Bénin a été pillée par le roi Glélé, père de Behanzin,
à Doumè, une ville plus au nord.
La déclaration faite par
Emmanuel Macron est scandaleuse parce que les
collections publiques sont inaliénables et que s’il
pouvait dire qu’il souhaite que ces objets soient donnés
au Bénin, il n’a aucun droit de le décréter. En gros, le
Président nous dit que l’État, c’est lui, en piétinant
sans vergogne les lois de la République. Le communiqué
de l’Élysée précise que : « les mesures
opérationnelles, et le cas échéant législatives, seront
prises pour que ces œuvres puissent retourner au Bénin ».
Ce « le cas échéant »
est admirable, concernant une mesure actuellement
parfaitement illégale. En prétendant que l’envoi de ces
œuvres au Bénin est « une proposition du
musée du Quai Branly », l’Élysée ne
recule par ailleurs pas devant une grosse
contre-vérité : s’il reste très prudent officiellement
(il est fonctionnaire...) nous savons de source certaine
que Stéphane Martin est furieux du contenu du rapport et
qu’il n’a certainement pas proposé le don « sans
tarder » de vingt-six œuvres du musée
qu’il dirige.
Comment, demain, refuser aux
autres pays, et pas seulement aux pays d’Afrique
sub-saharienne, le transfert des œuvres des collections
nationales, quand un petit état comme le Bénin est si
favorisé ? Déjà, les musées marocains s’interrogent :
pourquoi pas nous ? (voir
ici), tandis qu’un journal
algérien comprend que « Macron
veut tout rendre », y compris à
l’Algérie (et pourquoi pas ?, l’Algérie a elle aussi été
colonisée).
Demain donc, comment résister aux demandes de la Chine
et lui refuser ce qu’on aura accordé à des pays sans
grand pouvoir politique ou économique ? L’expression
« boite de Pandore » est sans doute galvaudée, mais elle
est pourtant ici parfaitement adaptée.
On peut se demander pourquoi
Emmanuel Macron décide ainsi, sans réflexion autre que
son bon vouloir, de restituer « sans
tarder » les œuvres du Bénin. La
question est légitime lorsque l’on sait que l’une des
personnes les plus actives pour demander ces « restitutions »
est Marie-Cécile Zinsou, fille de Lionel Zinsou, ancien
premier ministre du Bénin. Or, Lionel Zinsou et Emmanuel
Macron se connaissent bien. Comme on peut le lire dans
cet article
du Monde, « Lionel
Zinsou connaît le président français nouvellement élu
pour avoir travaillé avec lui à la banque Rothschild et
avoir été l’un de ses soutiens durant la campagne ».
Le journal L’Opinion est
encore plus précis : « Après avoir
côtoyé brièvement Emmanuel Macron chez Rothschild, le
Franco-béninois a eu recours à ses services, comme
banquier conseil, quand il dirigeait PAI, et a continué
à le fréquenter quand le futur président était à
l’Élysée puis à Bercy. Il a ensuite soutenu le candidat
En Marche ! pendant la campagne présidentielle ». La
Tribune Afrique compte même
Lionel Zinsou comme un des « hommes du
Président ».
Où, d’ailleurs, seront
exposées les œuvres venant de France ? Au Palais
d’Abomey où les œuvres actuellement conservées le sont
dans de très mauvaises conditions ? Ce n’est pas nous
qui le disons, c’est Marie-Cécile Zinsou qui
expliquait en 2016 : « Ceux
qui ont visité le Musée d’Abomey savent à quel point
tout est à l’avenant. Les objets sont en mauvais état,
le système électrique est hors d’âge, les cartels sont
de plus en plus illisibles, les hautes herbes défigurent
le palais de Behanzin, les bas reliefs s’effritent… » !
En 2016 toujours, dans un autre journal béninois, La
Nouvelle Tribune, elle
expliquait, à propos d’un trône de Behanzin acheté par
la Fondation Zinsou : « En voyant l’état
des musées [béninois] aujourd’hui,
il n’est pas possible de l’exposer dans un musée
national. Il va être dégradé dangereusement comme les
autres œuvres. L’idée n’est pas d’aller chercher des
objets, de les maintenir, de soutenir le patrimoine, de
les documenter… tout ça pour après les mettre dans les
termites, dans une salle où il n’y a pas de fenêtre, pas
de contrôle climat, aucune sécurité ».
De là à penser que les vingt-six œuvres à rendre « sans
tarder » seront exposées à la Fondation
Zinsou, il n’y a qu’un pas.
Il n’y a donc finalement rien
d’étonnant à ce qu’Emmanuel Macron prenne des libertés
avec le code du Patrimoine et un principe, celui de
l’inaliénabilité des collections publiques françaises,
qui existe depuis le XVIe siècle. Après tout, si c’est
pour faire plaisir à un ami…
Didier
Rykner
Mots-clés
Paris, Musée du Quai Branly Inaliénabilité
et aliénabilité
ARTICLE PRÉCÉDENTRapport sur les restitutions : rendons
tout, Dieu reconnaîtra les siens
SUGGESTIONS
Le Président de la République préconise la fin de
l’inaliénabilité des œuvres des musées
C’est, hélas, une nouvelle
bataille qui va devoir s’engager sur le front des musées
français, et malheureusement celle-ci était prévue
depuis longtemps. Dans la lettre de mission remise
aujourd’hui au…
Didier Rykner 1er août
2007 Brèves, Musées
Nouvelle attaque de députés contre l’inaliénabilité des
œuvres d’art
Faut-il, absolument, accorder
de l’importance à toutes les propositions de loi
ridicules ou stupides ? Rappelons que contrairement aux
projets de loi, celles-ci ne viennent pas du
gouvernement mais…
Didier Rykner 8 février
2016 Musées, Politique
Manuscrits coréens : la fin de l’inaliénabilité ?
C’est une décision lourde de
conséquences pour le patrimoine - une de plus - qu’a
prise Nicolas Sarkozy lors de son voyage à Séoul en
marge du G 20. On s’en doutait mais les révélations de
Vincent Noce…
Didier Rykner 18 novembre
2010 Éditorial
Contenu abonnés
Bonne lecture et à très vite,
Benoît.
2017
Les voeux du
LESTAMP
Communiqué
|
La Dame à
l'hermine, huile sur
bois de Léonard de Vinci, 1489-1490
- Crédits photo : Wikimedia Commons
-Atelier LESTAMP
________
______________________
Publications ouvertes aux étudiants du master culture.
NORMES DE PUBLICATION
Les articles ne devront
pas dépasser 15000 signes, espaces compris.
L’intégration de documents photographiques sous format
JPEG est la bienvenue. Nous pouvons aussi
envisager la réalisation d’insertions sonores, décisives
pour certains sujets culturels. Les notes et les
références bibliographiques doivent être établies selon
le système « français », en bas de page et numérotées de
façon continue.
Soumission des textes
Les propositions d’articles doivent être envoyées par
voie électronique, en format word à
joelle.deniot@wanadoo.fr
ou bien à
jacky.reault@wanadoo.fr
Pour le premier contact, il suffit de faire une brève
présentation d'environ 1500 signes maximum de la
thématique envisagée. Une réponse vous sera faite à ce
premier envoi.
|