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L'Edith Piaf de Joëlle Deniot est
illustrée par 41 encres gouaches et
fusains de
Mireille-Petit-Choubrac
Edith Piaf, la voix le geste l'icône
Esquisse anthropologique* est paru le 28
août 2012 au Livredart Paris. Demandez-le en librairie ou
chez l'auteur.
joelle.deniot@wanadoo.fr
32euros.*La préface de Jacky Réault est
intégralement coéditée sur
www.lestamp.com
Lire, comme
prélude à cette somme d'anthropo-sémiologie de l'art
Images pour une voix, le langage scénique d'Edith Piaf
in J Deniot, J Réault, Espaces, Temps et territoires.
Lestamp-Edition Nantes 2010, disponible sur
www.sociologie-cultures.com .
Ce livre peut-être emprunté
à la Bibliothèque de sociologie et à la Bibliothèque
Universitaire,
Il entre dans les
bibliographie des cours de M1 de
Sociologie de l'art notamment
pour cet article de
J. Deniot, et pour celui de Léonard Delmaire, et du cours -Espaces-temps
des politiques culturelles,
pour l'article de J Réault, Nicolas et
Ségolène 2007 ou le mystère de la Dame de Vix.
Vous êtes à Nantes...
Préalable à toute analyse des politiques
culturelles de la ville de Nantes ( on en propose la conférence
de D David sur ce site, pour le regard officiel) lire l'article
de Réault, Nantes l'excès la ville, Un
essai d'identification disponible sur
www.lestamp.com
On y trouvera des bibliographies
indispensables à tout mémoire étudiant une pratique ou un
établissement culturel nantais.
______
Approche mediumnique de la création Jean-Luc Giraued
Interview débat de J Luc Giraud par
Laurent Danchin à La Vinaigrerie le samedi 17 novembre à 16
heures Le Pellerin
(cliquer)
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Culture et photographie
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L'Augustine
historique
(extrait de
Georges Didi-Huberman, Invention de l’hystérie,
Macula, Paris 1982.)
était-elle moins théatralisée que celle du film ?
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Communiqué,
LE 10°
ETE DU
LESTAMP
30
Juin 1°
Juillet,
2
Juillet
2016
à
Nantes
Sur le
thème le
plus
problématique
de
l'époque
LE
MAL
Aux
limites
des
sciences
sociales
Amphithéâtre
Jules
Vallès
Pour
soumettre
un
projet
de com.:
joelle.deniot@wanadoo.fr
et
jacky.reault@wanadoo.fr;
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libre
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_________________________________________________________
Culture et photographie
Deux
conférences de Joëlle Deniot directrice du Master Culture Epic. Le texte
et les photos de la première,
La photographie : une sociologie
off ?
Conférence de Joëlle Deniot
22 septembre 2006 à Pol'n Rue des Olivettes à Nantes.
Dans le cadre du festival de la photographie à Nantes
C’est avec plaisir que j’ai accepté la proposition faite par
Mateusz Targowski de réaliser dans le cadre de ce festival
Diaporama, cette conférence autour de sociologie et
photographie. Mateusz membre actif de cette belle manifestation,
qui est aussi étudiant de sociologie, finissant son master
d’expertise des institutions et professions de la culture,
s’intéresse entre autres à ces questions de la sociologie et de
l’image et c’est dans le cadre d’un enseignement portant sur la
méthode iconographique en sciences sociales au sein du
département de sociologie de Nantes que nous avons fait
connaissance, commencé à échanger sur ces questions… ainsi s’est
un peu faite la genèse de cette proposition de parler de la
photographie comme outil paradoxal, équivoque, stimulant,
heuristique pour le sociologue. Je tiens à préciser à ce propos
que j’ai bien travaillé concrètement, que je travaille toujours
concrètement dans mes pratiques de recherche avec l’image
photographique.
Je ne vais pas centrer ma conférence sur cela, mais je dirai
d’entrée que mes premières recherches d’anthropo-sociologie avec
la photo se sont faites dans le cadre d’une étude longue,
approfondie sur le décor des logements des familles de milieu
populaire et que j’ai là travaillé avec un important corpus de
photos prises chez ceux qui m’ouvraient leur porte, acceptaient
cette drôle d’enquête ; corpus qui me donnait à
réfléchir, à questionner tout ce langage silencieux des objets
dont les gens s’entourent, dont nous nous entourons.
Actuellement, mon travail est tout autre, j’ai pris pour objet
d’étude la chanson, celle d’expression française, francophone et
entre autres aspects de l’approche de la chanson, j’en étudie la
gestuelle interprétative, d’où mon rapport à l’archive filmée
qu’il me faut recomposer en séquence, saisir en figure
significative de telle ou telle artiste. Il s’agit d’un travail
de reprise, de recomposition sur de l’image déjà faite pour
interroger cette fois, non plus le langage silencieux des
objets, mais les visages de la voix chantée à travers
cette réverbération du son, du musical dans la matérialité du
corps et la symbolique des gestes.
Mais là n’est pas le centre de mon propos qui est plus général
et qui commencera en préambule par délimiter la nature des
questions dont il s’agit de traiter.
Préambule
D’abord il faut poser que ce lien entre photographie et
sociologie n’a rien d’évident. En effet nous sommes là conviés
au milieu d’expositions photographiques, dans le cadre
d’initiatives didactiques, poétiques autour de l’image et si
l’on pense plus généralement aux premières évocations qui nous
viennent aujourd’hui en pensant à la photographie, on pense à un
univers de pratiques : pratiques artistiques, pratiques
amatrices, ordinaires ou plus éclairées. On pense à différentes
strates d’impressions visuelles plus ou moins floues allant des
albums de famille, aux photos de presse, aux forts souvenirs
esthétiques laissés par de grands films, saisis dans des
découpes de plans, aux forts retentissements en soi de grandes
signatures d’œuvres photographiques. Bref, on ne pense pas à la
sociologie …
D’ailleurs peu de gens y pensent sans doute ! Pourtant pour
continuer mon préambule, je donnerai une définition absolument
non académique de cette dernière (la sociologie), car il faut
bien nous entendre sur les mots pour engager un débat. Si l’on
pense sociologie, au plus simple, on pense une discipline
universitaire, une tradition scientifique, plus modestement, je
dirai une tradition de connaissance s’attachant à comprendre, à
expliquer la manière dont les institutions, celle de la famille,
de l’école, de l’Etat, mais aussi celle de la langue, celle de
l’art, de la culture… se font, se métamorphosent, se défont au
fil de l’histoire et comment les hommes et les femmes pris dans
ces contraintes institutionnelles, soumis à celles-ci, malgré
elles, avec elles, contre elles parviennent à donner plus ou
moins de forme et de sens à leur vie. Bref, que la définition
soit académique ou pas, a priori ce discours en raison (logos)
sur l’élaboration collective, sur la structure des groupes, des
classes, des milieux sociaux, sur l’interprétation que les
groupes, les milieux, les sujets se font d’eux-mêmes et des
autres ne paraît pas si évidemment que cela entrer en relation
possible avec la photographie.
Questions donc :
-1°) Comment et de quels points de vue, la sociologie et la
photographie se rencontrent-elles ?
-2°) Et pourquoi l’hypothèse implicite du titre choisi : la
photographie : une sociologie off ? Et pour le dire plus
explicitement toute référence iconographique en sociologie
n’est-elle toujours menacée d’illégitimité, de marginalité et
si cela est le cas quelles raisons peut-on avancer pour
comprendre un tel état de fait ?
Croisements
J’ai volontairement présenté ces deux univers photographie et
sociologie comme non immédiatement interférents, pour mieux
souligner maintenant les façons dont ils peuvent se croiser.
Pour l’essentiel, à mon sens, selon trois axes problématiques :
- 1°axe, celui de la preuve, de la pièce à conviction
- 2°axe, celui de la pensée figurale
- 3°axe, celui de l’intensification du quotidien
1° axe : Photographie et sociologie sont amenées à se rencontrer
parce qu’elles sont chacune à leur manière, travaillées par
l’ides de faire témoignage, de faire preuve,
d’attester… Qui dit sociologie, s’il dit savoir à idéal
scientifique, se soumet ipso facto à l’impératif cartésien qui
consiste à ne rien avancer qui ne puisse être prouvé. Pour
partie la photographie qui montre, plus qu’elle ne démontre,
cherche pourtant elle aussi à faire document – pour le
journalisme d’investigation, pour le film, le reportage dit
documentaire justement, pour le cliniciende
l’hystérie au temps de Charcot, mais également à travers les
relevés optiques de l’infiniment grand, en astrophysique, de
l’infiniment petit en microphysiologie, en microbiologie. En ce
sens, en posant le rapprochement sociologie/photographie, on ne
fait que rejoindre notre imaginaire scientifique classique animé
de cette curiosité documentaire, inquiet de ce désir insatiable
de preuves. Et c’est d’ailleurs bien sur ce registre que la
photographie historiquement, dans ses débuts, va susciter espoir
et enthousiasme. Sur ce fil, nous demanderons alors quelle est
la nature probatoire de la photographie ? De quel type de
preuves pouvons nous disposer en sociologie avec les
photographies ?
2° Axe : Sans entrer plus avant à ce moment de la conférence, je
préciserai tout de même que la pensée figurale, concept d’Yves
Bonnefoy,
désigne une pensée infra-verbale, une pensée dit-il aussi
trans-verbale, celle que l’on peut trouver dans les grandes
œuvres de la peinture, dans toutes les manières qu’ont les
images, les graphes de donner une matière à penser, plus
directement en lien avec l’intuition, avec l’expérience d’un
réel qui vous taraude, qui vous pèse, qui cherche une expression
dont les notions, les concepts, leur articulations logiques ne
peuvent que difficilement rendre compte sans le désamorcer.
Pensée verbale et pensée figurale, deux ordres de signifiance
très distincts, nous propose Yves Bonnefoy. Je proposerai de
suivre cette distinction et mettant la photographie dans cet
espace mental de la pensée figurale de nous demander alors en
quoi la sociologie peut-elle être concernée par cette pensée d’à
côté, en quoi elle peut y trouver matière à bouleverser, à
nuancer, à vivifier ses logiques ? C’est aussi la sensibilité
photographique qui est ici convoquée, cette sensibilité à la
lumière qui n’est pas celle de notre rétine et pourra, dans
certains cas, nous donner plus que l’œil, nous
montrer ce que celui-ci ne saurait
percevoir
et voir un être, comme le souligne Canguilhem,
c’est déjà prévoir un acte.
3°axe : Gilles Mora et Claude Nori dans leur Manifeste de la
photobiographie,
autrement dit de la photo comme écriture de soi, à l’instar de
l’autobiographie littéraire, partent de l’idée que la
photographie est un amplificateur d’existence. Je trouve
cette intuition très juste, même pour les formes communes et non
artistiques de l’usage photographique. En effet impression,
direction du regard, cadrage, mobilisation de tous les sens,
déclic … la photographie veut révéler du nouveau à voir dans les
sujets/ objets qu’elle vise, veut provoquer l’observation même
sur, même dans le déjà vu. Il y a une transfiguration plus ou
moins réifiante, plus ou moins subtile qui s’opère sur la
surface photographique … les visages y deviennent figures d’un
espace-temps, les expressions se figent en traits, les personnes
dans la gêne de la pose, se font masques ou personnages. Nadar
lui-même ne nomma-t-il pas spectres les corps en tant
qu’ils sont photographiés ;
Barthes dans son ouvrage devenu référentiel
La chambre claire
reprendra d’ailleurs cette idée de la hantise spectrale au cœur
de l’image photographique. Quoiqu’il en soit ces métamorphoses
liées à l’acte photographique en font un support de
dramatisation des peurs, des désirs de la perception de soi, de
l’autre. La photographie, cette grâce du moment, cette menace du
moment, cette intrusion densifie le temps présent, y glisse de
la durée, de la mémoire. Dans toutes les micro-fonctionnalités
et micro-ritualités du quotidien, elle est peut n’être qu’une
ritualité de plus, mais elle est aussi irruption de l’événement,
trace de ce qui jamais ne se reproduira. On se demandera alors
en quoi cette intensification poétique, esthétique - qui là
encore peut avoir des registres très simples ou très élaborés –
en quoi cette intensification, cette percussion, cet émoi de la
perception, de la représentation peut bien concerner la
sociologie.
Nous allons reprendre un à un ces axes de croisement entre
photographie et sociologie, en précisant au gré de ce cadrage
quelles furent les grandes rencontres historiques entre
sociologie et photographie ; rencontres qui parfois partent des
sciences sociales pour aller vers les photographies, mais qui
peuvent aussi partir des photographes pour aller vers les
sciences sociales.
1° AXE
Visée savante
et ambiguïté de la preuve photographique
- a) Un imaginaire de la preuve parfaite
La photographie en sa valeur d’époque, à savoir le tout premier
demi-siècle de son histoire a vraiment fasciné l’imaginaire
savant. Elle sembla pouvoir s’allier parfaitement aux méthodes
positivistes, à cette utopie d’un savoir absolu, éperdu
d’objectivité qui régnait alors dans l’évidence. En effet,
inflexion historique de la manière de voir, du voir lui-même
extériorisé dans l’outil, la photographie, non pas en sociologie
qui est plus tardive, mais en d’autres sciences, fit rêver d’une
sorte de preuve par excellence, de la preuve parfaite. On va
parler de la photographie comme the pencil of nature,
comme inscription -description simultanée, comme script du réel
à authentifier, à circonscrire, à capter sans élaboration, ni
médiation autre que cet enregistreur optique. La photographie a
porté (porte encore ?) ce fantasme d’une écriture sans sujet ni
interprétation.
Et c’est dans la science médicale que ce message sans code
de la photographie va être pris au plus sérieux, avec le plus de
retentissement et de force, au XIX °, comme paradigme de la
vraie rétine du savant.
Je fais bien sûr là allusion à cette fantastique fabrique
d’images de l’hystérie, des hystériques au féminin
exclusivement- ce qui n’est pas sans augmenter le questionnement
autour d’une telle entreprise d’emprise par l’image - que met au
point Charcot à l’hôpital de la Salpétrière. L’hystérie, énigme
pour la médecine va être abandonnée à cette nouvelle rage du
voir. Si de l’hystérie on ne connaît justement que la trop
grande visibilité, que les symptômes, photographions cette
surface méthodiquement dans toutes les formes et tous les temps
de ses manifestations pour avancer dans la connaissance sans a
priori du corps malade, semble avoir été le principe d’une telle
recherche. C’est donc d’abord et de façon très dérangeante, dans
l’histoire de la clinique que la photographie est postulée à
valeur et statuts probatoires. Il y a certes là des documents
prodigieux, on peut se demander toutefois de quoi sont-ils le
document ? Pas des documents « objectifs » sur l’hystérie à coup
sûr … Si ce guet des symptômes, armé par la photographie a bien
réussi par comparaison, tri, constitution de corpus
scientifiquement archivés à progresser dans la nosographie, il
n’est pas parvenu à dépasser ce corps symptomatique. Charcot
souhaitait déchiffrer l’énigme, cherchait des localisations
cérébrales à travers cette sorte d’autopsie anticipée,
pour reprendre la formule de Georges Didi-Huberman,
de l’acharnement photographique. Rien de cela n’est advenu, sur
ces planches photographiques, le corps ne renvoie qu’au corps,
le corps souffrant y est seulement comme redoublé par le
spectacle des douleurs. Reste un formidable document entre
histoire des sciences, histoire de l’art, histoire du sacré dans
l’art même et histoire de la photographie alors toute de noir et
de blanc, contrainte à la lenteur de la lumière, exigeant la
longue patience, le long tourment de la pose.
Si j’insiste à propos de l’axe science/ photographie sur ce
corpus iconographique qui est hors sciences sociales, quoiqu’il
ne soit pas hors anthropologie toutefois (cf. Georges Devereux),
c’est d’abord qu’il a fait référence, qu’il fait date, qu’on ne
l’aborde qu’avec un certain tremblement, qu’il témoigne de cet
troublant agir imaginaire de la photographie entraînant, ici, et
le médecin et la malade vers on ne sait quelle attente démesurée
…et que de plus, il va se constituer selon un des schèmes
probatoires le plus souvent convoqué dans plusieurs usages
sociologiques de la photographie et dans plusieurs usages
photographiques de la sociologie. Mais si je ne suis pas partie
de la sociologie, ce n’est pas seulement parce qu’elle ne
dispose pas de corpus historique aussi éloquent, aussi percutant
mais également parce que la sociologie ne fut jamais saisie par
ce ravissement de la preuve photographique, bien au contraire.
- b) Ruptures dans la sensibilité contemporaine
1.- Celles exprimées par les
praticiens de l’image
Certes la problématique de la
photographie et du réel ne se situe plus dans cette bonne foi
première. J’ai envie de dire que le film Blow up (1967)
d’Antonioni plus concis qu’un tout discours théorique éclaire
très bien cette ambiguïté du constat photographique telle
qu’elle est vécue dans la sensibilité contemporaine. Blow up qui
fait date aussi, c’est beaucoup de choses mais c’est aussi pour
ce qui concerne notre propos, une démonstration par l’image de
l’échec tragique de preuve photographique, une très belle
parabole de cette aporie. Blow up, en terme
photographique : agrandissement, tout simplement.
Londres de la fin de années 60, un jeune photographe branché
réalise des photos de mode et vit de son art de façon
insouciante : voilà pour le côté léger de la photographie
dévolue au monde des apparences les plus chatoyantes et les plus
éphémères. Et survient le côté grave quand ses photographies et
non pas son œil vont, à son insu, capter sur la pellicule les
traces d’un crime. Il photographie à distance un couple dans un
parc, tout est calme et beauté, luxe, calme et volupté….
Et pourtant c’est la scène de meurtre silencieux. Ce qu’il n’a
pas vu : le personnage caché dans la haie d’arbustes, son arme à
la main, l’homme du couple abattu - il ne voit après la
rencontre des deux amants que la femme s’éloignant seule, il
croit n’avoir photographié que cette rencontre, que cet
éloignement. Ce qu’il n’a pas vu lui sera révélé d’indices en
indices, de cadrages en cadrages de plus en plus rapprochés par
les développements photographiques. Il est entré dans le
tourment de la recherche de vérité, la photographie est entrée
dans la logique de la preuve, de l’enquête ici, de type
judiciaire. Après les découvertes de cette présomption de crime,
de ce meurtre flou, il retourne sur les lieux, constater de
visu : le cadavre de l’homme est bien étendu dans l’ombre du
bosquet. Le temps qu’il tergiverse à faire un signalement, le
cadavre disparaît et c’est en vain qu’il raconte son histoire à
un journaliste ami. Il n’a pas été témoin oculaire direct, rien
n’a eu lieu, il faut tout oublier et revenir à la légèreté de la
photo de mode. Charcot déclarait dans l’euphorie de sa méthode :
quand on n’a pas photographié peut-on dire que l’on a vu.
Dans cette réflexion filmique on suggérerait plutôt tout le
contraire : que le photographié n’atteste pas de la vue. La
photographie a échoué dans l’authentification de la réalité du
crime, la photographie dont on a pourtant déclaré, vanté la
valeur indicielle, ne peut donc pas rendre compte d’une réalité
exogène. L’image est renvoyée à l’image et le spectateur au
doute par rapport à ce qu’il a cru voir…
2.- Celles exprimées par
des théoriciens de l’image
D’abord prise comme constat de fait, puis comme indice de
réalité, et désormais même comme invention de réalité : le doute
sur la valeur probatoire de la photographie semble être passé du
doute méthodique au doute hyperbolique. Du nouveau et de
l’ancien agissent dans cette critique où se réfractent et
l’effet d’absorption de la photographie dans la pratique
artistique, mais aussi le maintien d’une très ancienne attitude
iconoclaste de l’épistémé savante.
Dans cette révision à la baisse de l’autorité photographique,
que résume bien la phrase célèbre d’un cinéaste fameux Jean- Luc
Godard - « Ce n’est pas une image juste, c’est juste une image »
- comment se situent sociologie et sciences sociales ?
D’abord dire que si l’on tend actuellement à réfuter la
photographie comme preuve, c’est peut-être qu’on n’en a sûrement
trop attendu, oubliant d’une part que derrière la machine, il y
a le machiniste et d’autre part qu’il n’existe pas de preuve
absolue, que toute preuve s’élabore dans une inter-humanité des
regards, des discours, dans l’imperfection plus ou moins grandes
des institutions, dans un minimum de croyances partagées et non
pas dans le monde objectif des choses. Le premier théoricien
proche des sciences sociales à s’arrêter sur la photographie,
le premier dont le livre ait fait référence, c’est Roland
Barthes. Proche des sciences sociales certes, mais il est
sémiologue, philosophe et va, en dehors de toute étiquetage
disciplinaire, s’intéresser aux Mythologies du monde
contemporain, c’est alors la Star, l’automobile, le vélo, le
tour de France, Greta Garbo… autant de courts essais qui, s’ils
n’étaient pas officiellement mis dans les bibliographies des
sociologues, les ont pourtant beaucoup inspiré, pour les moins
crispés d’entre eux s’entend ! Et fait symptomatique déjà du
caractère off de cette sociologie de l’image, l’un des
premiers théoriciens à parler, n’est pas un sociologue
institutionnellement établi mais un quasi-anthropologue à la
marge.
William Klein : Premier Mai à Moscou, 1959
Or Roland Barthes cinéphile, amateur d’Antonioni entres autres,
affirme lui nettement l’autorité indicielle de la photographie.
Sans s’illusionner sur les vertus objectivantes de la
photographie, il souligne que l’image photographique n’est pas à
considérer comme un langage de type discursif, qu’elle n’est pas
signe comme le signe linguistique s’appuyant sur la structure
signifiant/signifié et ne renvoyant pas nécessairement à une
réalité extérieure, mais qu’elle est à considérer comme un être
déictique. Autrement dit, la photo est impérativement liée à un
référent exogène. Ne considérant que la photo non truquée bien
sûr, Barthes souligne que l’image photographique capte bien ce
qui fut présent dans l’espace et le temps face à l’appareil
photographique. Il y a de la réalité extérieure dans la
photographie, c’est ce moment fugitif du vivant. La réalité, ici
saisie, tout autant voire même plus que l’espace, c’est le temps
et donc pour le vivant, sa finitude et sa mort. Au final même si
cette réflexion place la photographie du côté de l’affect, du
trouble, du sujet elle ne lui ôte pas bien au contraire toute
valeur documentaire historique en particulier puisque la
photographie n’imprime jamais que du toujours déjà passé. S’il y
a bien un photographiant se tournant selon un certain angle,
avec telle ou telle intention spontanée, élaborée vers un
morceau, une séquence du réel, c’est aussi que ce dernier vous
impressionne, s’impose à votre perception selon une certaine
face.
Entre regard porté et regard convié, pour
reprendre la formule inaugurée par Merleau-Ponty, la photo peut
être une aide utile à la description des mœurs, elle a valeur
entre autres, ethnologique déclare Roland Barthes. Elle n’est
pas preuve au sens strict mais source d’interrogation, de
réflexion à partir de détails
(costume, coupe de cheveux, visage et marquages sociaux en lui
etc … souvent des détails culturels liés à la mise en scène des
corps). Elle permet d’accéder à ce que Barthes nomme
un infra –savoir c'est-à-dire un savoir éclaté, souterrain
mais également irremplaçable.
Cette problématique de l’indice ou plus précisément de la trace
qui reste une sorte de conviction minimale requise pour
travailler avec la photographie en sciences sociales, est
toutefois elle-même remise en danger par des pensées à la limite
qui, ôtant toute possibilité d’irruption du réel dans l’image
photographique, vont ipso facto, volontairement ou
involontairement, placer la photo hors champ de la connaissance
possible des faits, dans la sphère autonomisée de l’art. Il en
va ainsi avec Clément Rosset qui met, lui, la photographie sous
la catégorie non plus de la trace mais du double, du double
de proximité, comme l’ombre ou l’écho.
La photographie s’apparente au
reflet, comme la reproduction sonore s’apparente à l’écho et la
peinture à l’ombre.
La photographie est dans
l’impossibilité d’authentifier une réalité ; ce double conteste,
évacue le réel plus qu’il ne peut en témoigner. Pourquoi cet
échec radical de la preuve photographique ? En raison des
trucages, des occultations à fins politiques, en raison des
usages fantasmagoriques de la photographie qui fut en plein
scientisme, appelée à attester d’objets irréels : fantômes,
émotions, aura (et cela au sens propre dans l’équipe de
Charcot), en raison plus radicale que rien, si ce n’est ma
croyance en un vraisemblable, ne peut me permettre de savoir
si la photo du voyage sur la lune des astronautes américains n’a
pas été faite dans les souterrains du pentagone, que les
cailloux prétendument prélevés sur la planète Mars ne
proviennent pas du Colorado, la photo ne peut que me donner
un sentiment du réel quasi illusoire. Si je précise cela c’est
que des sociologues vont s’enfermer - sans nécessairement avoir
lu Rosset, philosophe - dans ce doute hyperbolique, finalement
très cartésien, pour refuser tout réalisme à la photographie et
donc toute possibilité d’un usage fécond de son aspect
documentaire. Et là nous rejoignons une question épistémologique
forte d’abord qu’est-ce que le réel ? Rosset répond à juste
titre ce qui déborde le concept, ce qui résiste quand tous les
simulacres ont disparu… L’image n’est qu’un simulacre … Et
l’image, c’est aussi un être de perception, qui donc aborde le
réel sous un mode mineur pour toute notre tradition
philosophique si méfiante, à juste et injuste titre, à l’égard
des sens et du sens commun. Je trouve cette critique très aigue
de Rosset, finalement beaucoup moins ouverte que la réflexion de
Barthes, moins généreuse et peut-être au bout du compte plus
encombrée par le penchant iconoclaste des savants, du logos
inauguré par Platon et poursuivie par tout le rationalisme
triomphant.
c) Filtres sociologiques
La sociologie si l’on prend pour référence, sa naissance
institutionnelle, est finalement contemporaine des débuts de la
photographie (Emile Durkheim, Le suicide, 1897).
Pourtant, elle ne prend pas cas de ce nouvel outil pour aborder
la réalité sociale, trop occupée qu’elle est à vouloir s’imposer
par le seul pouvoir de la preuve statistique. Compter, ne pas
photographier sans doute les deux faces d’une même démarche et
d’un même ancrage dans un univers mental, philosophique où la
figure du nombre est depuis l’Antiquité grecque, l’une des
figures fortes de l’intelligible et l’image, le symbole du monde
des apparences où se situe le peuple, où se situe la vision
commune. Et ce, même si la sociologie cherche sa légitimité du
côté des sciences expérimentales et que ces mêmes sciences
expérimentales vont, elles, être ô combien moins réticentes dans
une approche des faits par la méthode photographique, comme nous
l’avons vu précédemment.
La photographie, une sociologie off ? Oui, assurément dans
la mesure où ce qui passe en sociologie, entendue au sens
strict, de bribes de méthode photographique, n’arrive que
latéralement, par les voies de l’approche ethnographique, par
les voies de l’anthropologie anglo-saxonne notamment, par
l’approche de type documentaire ou de type journalistique ou de
type artistique. La photographie, une sociologie off ? Il faut
être plus nuancé si l’on entend par sociologie, un ensemble de
connaissances en sciences sociales convergeant tant bien que mal
(en ce moment plutôt mal que bien) vers une meilleure
compréhension de cette élaboration collective de l’humanisation,
base de tous les discours en raison sur la société quelle que
soit leur étiquette.
Prenant maintenant quelques exemples qui ont marqué
l’histoire des sciences sociales et dont il faut dire qu’ils ne
sont pas légion, ce qui est assez significatif, je n’en tiendrai
toutefois aux seuls d’entre eux ayant pris une patine quasi
canonique. Je signalais précédemment que l’on retrouvait dans
l’utilisation sociographique, ethnographique de l’image
photographique pour ces décrypteurs de la société ayant fait
confiance à la preuve figurative faillible de la photographie,
des schèmes logiques voisins de ceux employés dans le
pronostique et le diagnostic cliniques : il s’agit du schème de
la généralisation possible du cas en type et du schème de la
puissance observatrice décuplée par l’outil.
Puissance observatrice décuplées par l’outil : il s’est
réellement développé toute une anthropologie visuelle et cela
depuis le milieu du XX°siècle, une anthropologie s’appuyant sur
toutes les dimensions de la méthode graphique : dessin, images
photographiques, images filmiques, films au ralenti, extrême
décomposition des mouvements étudiés, recompositions par le
trait ou l‘image des séquences temporelles d’un mouvement, d’une
interaction.
Et à mon sens, cette anthropologie s’avère la plus féconde dans
ses recherches lorsqu’elle s’attache à l’étude de
la réalité gestuelle des sociétés
humaines.
Gestes du rite, rites du geste, gestes de travail, gestes de la
convivialité, de l’alimentation, gestes de soin, gestes de la
douleur, c’est toute ces paramètres signifiants, ces chaînes
opératoires, cette trame commune des langages silencieux que ces
analystes (anthropologues, sociologues, ethnologues) de la
communication non verbale – comme ils se sont parfois désignés
eux-mêmes- ont cherché à fixer, classer, typifier.
Ici extraits de la
mise en scène de la communication gestuelle dans un marché
parisien, 1983.
Recherche de cosmos culturel singulier par Bateson et Magaret
Mead,
élève de Franz Boas à l’université de Columbia, à travers les
gestes éducatifs à Bali, recherche de gestes transculturels, de
comparaisons interculturelles pour Edward Hall, pour Desmond
Morris,
recherche d’une grammaire des ritualités, des civilités
élémentaires - offrir une cigarette, passer un briquet dans un
échange Homme/ Femme - pour Birdwhistle,
professeur d’Erving Goffman. Il y a là tout un corpus allant de
l’analyse de la danse grecque antique d’après les monuments
figurés
à celle de la stratégie des gestes dans le débat politique
télévisé.
Il est à noter que c’est comme dans l’exemple de l’observation
clinique, c’est bien la gestualité humaine, en l’occurrence
davantage rattachée à son biotope, à son environnement, mais la
gestualité humaine, interhumaine à la fois toujours très
manifeste et très imperceptible en ses mille nuances, toujours
dans la matérialité du signifiant et dans l’opacité du
symbolique, toujours pensé sous la catégorie du symptôme qui se
retrouve au centre de la préoccupation de connaissance par
l’image. Lorsque l’on lit les propos de E.J. Marey du service
photographique de la Salpétrière « Quand le corps en mouvement
est inaccessible, comme un astre dont on veut suivre le
déplacement ; quand il exécute des mouvements en sens divers, ou
d’une étendue si grande qu’ils ne puissent être inscrits
directement sur une feuille de papier, la photographie supplée
aux procédés mécaniques avec une très grande facilité : elle
réduit l’amplitude du mouvement, ou bien elle l’amplifie à
l’échelle la plus convenable »,
on s’aperçoit qu’ils collent tout à fait à la pratique de ces
anthropologies du comportement qui se sont toujours donné
l’horizon ambitieux de constituer une sorte de discipline
autonome, que Birdwhistle appelait une kinésique sociale,
d’autres une ethnogestique mais toujours pensée comme sœur
cadette de la socio ou de l’ethnolinguistique… Le geste
n’étant jamais bien loin de la parole.
Avec ces films nombreux, ces références conséquentes qui font
confiance à l’image comme source et preuve de la connaissance,
on pourrait donc dire que la photographie n’est pas une
sociologie off. Toutefois peu de choses sont passées de ces
recherches dans l’université française, au niveau de la
transmission pédagogique, j’entends.
Autre schème commun, le passage du cas au type : C’est un des
traits de la clinique que de procéder par étude de cas, de le
généraliser en un tableau et le subsumer sous un genre. La
photographie va accentuer cette procédure à la fois
expérimentale et muséale. De la même façon en sociologie, photos
de sociologues ou photos de photographes à dimension
documentaire vont fonctionner dans cette logique, voire dans
cette immanence de la typification.
1°) Exemple Eugène Atget (1856-1927), un photographe qui réalise
le premier essai de socio-graphie des décors intérieurs
Atget, intérieurs parisiens, début du xx°siècle
La simple légende apposée à l’image « intérieur d’ouvrier de rue
de Romainville » suffit à transformer ce cas singulier en un
tableau social.
2°exemple, extrait des célèbres photos de l’enquête sociale de
la Farm security administration lancée par Roosevelt, pour
lutter contre la grande dépression des années trente. Les mains
de cette fermière ont presque valeur d’icône.
Russell Lee, Les mains d’une fermière de l’Iowa, 1936
3° Exemple, le photographe August Sander (1876- 1964), chaque
portrait pris en son masque social se présente, au-delà même du
type circonscrit, celui de l’ingénieur, du notaire, de l’avocat,
du paysan, de l’industriel, du propriétaire foncier, de
l’instituteur… comme le témoignage d’un pays et d’une période de
son histoire avec ce qu’ils condensent d’ordre et de hiérarchie
sociale implacable.
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A.Sander, Acteur ambulant, 1928 |
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A .Sander, Instituteur de village,
1920 |
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A.Sander, Juive persécutée, 1938 |
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A. Sander, Morte, 1927 |
August Sander veut capter la société allemande dont il est
observateur et acteur. Se détournant du pictorialisme, son
esthétique s’ancre dans une utopie de l’objectivité : « je
ne hais rien tant que les photographies édulcorées, remplies
de minauderies, de poses et d’afféteries » écrit-il pour
argumenter ses choix de photographe qui se veulent aussi
choix de lucidité. Comme Atget, Sander proposent des images
entre art et document. Des images dont on dira qu’elles
ont saisi l’Allemagne avant l’avènement du troisième Reichet
qui se présentent donc comme une ethnographie, une
sociographie en acte dont le commentaire doit se réduire au
seul étiquetage de la légende. On fait apparaître un cas, on
le nomme, il devient type. Cet ensemble de real-type
couvrant la République de Weimar, l’ère national-socialiste
et les premières années de la République fédérale, vise à
profiler le tableau exhaustif par générations, par
catégories et clivages socio- professionnels, par ancrages
territoriaux de toute la civilisation allemande. L’ambition
de Sander est d’offrir par le moyen de la
photographie une image absolument fidèle de notre époque, de
donner le panorama de l’état social existant. Le cas,
le type, le tableau : on retrouve l’ambition de Charcot,
faisant du script de la photographie le lieu d’une
autopsie anticipée
du visible.
Cet ensemble photographique délivré dans Hommes du XX°siècle,
œuvre rare dans l’histoire de la photographie qui rencontre
volontairement la démarche des sciences sociales, s’alimente
beaucoup plus inconsciemment sans doute à l’une de ses
matrices scientistes. Emile Durkheim ambitionne, pour la
sociologie disciplinaire, de saisir les faits sociaux
comme des choses sociales à travers le filtre des séries
statistiques essentiellement. August Sander fait surgir à
l’image et dans l’imaginaire, cette réification du social.
Il fournit la preuve sensible d’êtres, de personnes
transformées en choses sociales. La mort y saisit le vif à
chaque cliché. Au final, la vérité profonde de cette fresque
socio-photographique de Sander ne réside t- elle pas dans ce
dernier portrait intitulé sans autre identification : Tote,
1927(figure présentée ci-dessus) ? Au-delà de la lucidité
revendiquée, l’inconscient mortifère mène le bal.
4° exemple, plus récent, une photographie tirée de
Noblesse intime,
livre produit par deux sociologues et une photographe à
propos de l’aristocratie belge. A la présence des portraits
sont joints des extraits d’entretiens. Ci-dessous, une des
protagonistes de l’enquête, architecte d’intérieur, qui
comme tous les autres a choisi le cadre où elle désirait
être photographiée. Cette image d’une personne parle
immédiatement d’une lignée, d’une classe. Il n’y avait dans
cet ouvrage nulle intention d’annulation de la marque
singulière de chaque vie, comme dans la visée entomologiste
d’August Sander.
Manuela deTervarent, Noblesse intime, préface de
Claude Javeau
Et pourtant, comme le souligne en préface Claude Javeau « la
galerie des portraits que j’ai le plaisir de présenter
témoigne pour cette mise en scène d’une nature, en fait
d’une naturalisation, qui renvoie à une inscription sociale
spécifique. Celle-ci comprend un mode de prise de possession
de l’espace qui est le propre des maîtres d’espaces
autrefois géopolitiques et aussi des familiers du temps de
longue durée, porteurs à la fois de traditions et de
projets. L’art du photographe a été de ne pas forcer ses
modèles à faire abstraction de ces déterminations spatiales
et temporelles».
Révélateur de l’image contrôlée de notre paraître,
captation instantanée de l’intimement social du sujet, le
portrait réussi, serait, à ce titre, le meilleur ami du
sociologue recherchant la confirmation incarnée de ces
typologies. Reste que la photographie saisit aussi les
écarts au déjà pensé, qu’elle ne peut jamais être la totale
illustration de l’intelligible, qu’elle fixe aussi la part
non interprétée du réel. Le portrait réussi, c’est aussi cet
entre-deux de l’être et du paraître, la sociologie peut
alors trouver dans ces contrastes indisciplinés du vivant
que propose toujours l’image, une force plus heuristique que
simplement vérificatrice. Il semble d’ailleurs que ce soit
dans ce va et vient entre type et écart que ce livre au
titre paradoxal Noblesse intime, parvienne à nous
présenter, hors cadre strict du logos, une sociographie très
pertinente de l’aristocratie belge. Duplicité, jeu, trouble
de la photographie qui confirme et conteste à la fois,
l’esprit de classement de la sociologie disciplinaire.
2° AXE
L’image, comme ressource
sensible de pensée
Il est des photographes, parfois simples artisans de leur
art durant toute leur vie, désormais promus artistes dans
l’histoire de la photographie et plus latéralement dans
celle des sciences sociales. On déclare alors que leur œuvre
a valeur patrimoniale, on les nomme désormais « des
anthropologues involontaires », ce qui tend me semble t-
il, à souligner que si l’image photographique est sans doute
une preuve lacunaire, elle aussi bien autre chose qu’une
preuve
et que là réside également l’une de ses forces, a côté du
registre probatoire justement.
Norbert Ghisoland (1878- 1939) est un de ces photographes
inconnu jusque dans les années 70, moment où son petit
fils découvre les quelques 40000 plaques négatives
conservées, oubliées dans le grenier de la maison de
Frameries, petit village du borinage où il exerça son métier
de photographe auprès des familles de mineurs qui habitent,
travaillent et vivent dans ce pays des charbonnages. Il ne
crut pas faire une œuvre ; on le loue : « les photos de
Norbert Ghisoland sont autant de fiches ethnographiques qui
racontent les vérités et les mensonges de destins austères,
avec une téméraire sincérité confrontée à l’implacable
miroir de la photographie ». Il ne crut pas faire une œuvre,
on lui reconnaît une signature visuelle.
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Photo prise dans le
décor du studio |
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Photo
d’identité sans décorum |
Lorsque
l’on s’attarde sur ces photos, on remarque surtout des
regards, des visages intenses faisant toujours pleinement,
sérieusement face à l’objectif, faisant face seuls, enfants,
adultes, dans des liens de couple, ou de famille. On y lit
donc au moins l’importance accordée à cet événement de la
photographie de leur vie ; curieusement la fonctionnalité
des photos d’identité prises sans les arrière-plans de
convention optimise encore cette caractéristique essentielle
de grave solennité. On est ému, on n’est pas là devant une
pratique de loisir ou de divertissement. Et si ces clichés
nous mettent en contact avec un destin collectif, ce par
quoi ils sont salués par les commentateurs, ils frappent
surtout par leur capacité à suggérer toute l’énigme de la
personne. C’est en effet vers le roman de chacun que ces
photos transportent notre imagination. Si de nombreuses
informations sur le milieu et l’époque y sont bien
présentes, elles y sont comme par inévitable surcroît, car
ces photos mènent au seuil de la personne et de ses opacités
et non pas vers la transparence d’une quelconque
typification. Les vêtements des figurants sont de
cérémonie, le décorum du studio fait de mobiliers, de drapés
un peu désuets, de paysages à l’antique. Tout cela
correspond aux codes en vigueur dans cette pratique datée du
portrait, mais cela sert aussi à introduire un écart à
l’ordinaire, à introduire une étrangeté dans le quotidien
captant le sujet photographié dans un état de léger
déséquilibre où sa propre singularité a plus de chance
d’être surprise. Finalement ce qui trouble le plus dans ces
clichés, c’est cette impression de recevoir une part du moi
profond des photographiés malgré le cadre très contraint des
clichés. A l’inverse de Noblesse intime laissant peu
de place à l’intimité, ces fragments de vie ordinaires
sont étonnamment plus éloquents sur l’intériorité de leurs
modèles.
Mais si je parle de cette façon très impressionniste sur cet
album de photographies redécouvertes de Norbert Ghisoland,
c’est pour souligner plusieurs choses :
Dans notre expérience commune, nous savons bien que la
photographie fascine, repousse, passionne, que sa puissance
propre consiste à se dérober à tout discours que l’on peut
tenir sur elle. Il s’agit donc pour qui travaille en
sociologue ou autre analyste, avec les photographies de se
laisser d’abord appeler par elles, de s’abandonner à ce
qu’elles déclenchent de nos affects actifs, pour reprendre
l’expression de Spinoza. La photographie est un être de
mélange : une attestation probable de ce qui a été et dont
elle nous fournit la trace détaillée, une visée, une
construction matérielle et psychique, celle du
photographiant, une vision interprétée par qui la reçoit. Il
faut donc d’abord accepter cette équivocité et s’installer
dans ce tissé de représentations en chaîne qui constitue la
réalité propre à l’acte photographique et à son produit. Le
raidissement méthodologique qui consiste à vouloir seulement
critiquer l’effet illusoire de réel qu’elle fait ressentir-
ce à quoi se réduisent bien des travaux de sociologues sur
la photographie – ne permet pas d’avancer. Travailler avec
les images photographiques, c’est d’abord être choqué ou
charmé, comme tout le monde et puis non pas jouer les
déconstructeurs,
mais à l’inverse se laisser prendre à ce jeu complexe du
réalisme figuratif
qu’elles offrent à penser. « C’est manquer de formation que
de ne pas distinguer ce dont il faut et ce dont il ne faut
pas chercher démonstration », écrit Aristote.
Si les photos de Ghisoland retiennent tellement l’attention,
par cet accès ténu à l’histoire individualisée qu’elles
autorisent, c’est que l’on ressent cette lumière d’empathie
du photographe sur ces « modèles ». Les effets de nimbe, de
souligné des contrastes n’y sont pas simples actes
techniques usuels mais aussi gestes de tendresse et c’est ce
tact qui vous frôle quand votre regard va à leur encontre.
La photo dit, évoque, suggère malgré elle peut-être, le
rapport d’implication du photographe. En ce sens, elle est
exemplaire de ce que pourrait être une recherche en sciences
sociales qui s’autoriserait de façon aussi directe, aussi
ineffaçable à inclure une véritable approche du rapport
sujet/objet qui inspire et ses genèses et ses résultats. En
ce sens, la photographie est révélatrice d’un insu, d’un
inavoué, d’un interdit de l’enquête sociologique. Nous
attendions une preuve, en voilà une dimension, celle, non
pas de la chose même, mais celle des interfaces jamais
maîtrisables. Nous attendions une preuve, voilà une brèche
pour l’esprit, suggérant silencieusement, aux sciences
sociales de cesser d’être ces
sciences froides.
La photographie pourrait donc être ce réservoir d’intuitions
premières d’une recherche, cette source fraîche d’intuitions
sensibles auxquelles il faudra toujours revenir pour
alimenter les étapes et développements même les plus
analytiques de l’enquête. Toute enquête est aussi une quête
et tout support iconographique pris au-delà de la simple
anecdote de l’illustration, en manifeste le symptôme. Si je
m’en réfère à mon expérience de recherche sur les décors et
désormais sur les visages et les gestes de la voix chantée,
je dirai que les images photographiques y ont toujours
fonctionné comme des stimulants de création, comme un musée
imaginaire de la recherche mais également comme cet obstacle
nécessaire d’une représentation matérielle, susceptible
de trouer la théorie comme le disait avec ironie
Leroi-Gourhan, à propos du film ethnographique ; comme cette
butée de la trace, de l’indice qui peuvent s’avérer
blasphématoires par rapport au système conceptuel, comme le
formule autrement Albert Piette. La photographie, c’est le
surgissement du détail inconnu, c’est un double de la
réalité qui navigue entre la singularité de l’événement et
la stylisation de l’allégorie. Avec l’image photographique
pour témoin, on ne peut jamais dire que tout le réel est
rationnel ; la photographie nous sert à penser que la
réalité excède le concept, ce qu’il faut toujours rappeler
au sein d’une sociologie disciplinaire si profondément
marquée par la paresse hypothético-déductive. Les idées
aveugles cherchent insatiablement leur confirmation dans
l’existant, les images sont toujours à revoir, comme cet
autre existant inépuisable. Car si l’image est bien
polysémique, et si ce flottement, cette relative indécision
lui donne toute sa vigueur métaphorique, contrairement à ce
qu’en disent savants iconoclastes ou savants distraits, elle
ne se laisse pourtant jamais interpréter de n’importe quelle
façon ; bien au contraire elle inscrit le chercheur dans une
dynamique d’invention s’élaborant entre élan de
l’imagination sociologique et résistance des paramètres du
signifiant.
Nous évoquions en début de conférence, la notion de pensée
figurale opposée par Yves Bonnefoy à celle de pensée
verbale. L’image dans cette problématique, c’est l’épiphanie
de l’expérience. Brusquement, avant le filtre du discours,
avant les raisons du logos, l’image poétique, l’image
picturale peuvent donner par fulgurance, la perception de
l’essentiel. L’image pourrait être et serait parfois, cette
limite, ce silence d’une perception exacerbée, cette soif du
regard. Ce serait alors une obsession du réel, bien plus
proche du monde extérieur, de son altérité, bien plus proche
de sa pesanteur sur les corps, les visages et les vies, bien
plus proche alors des linéaments de notre être - au - monde
que tout autre commentaire en raison, s’efforçant de les
appréhender. Pour que les images soient ces condensés de
perceptions immédiates, fugitives de l’indicible que chaque
culture tend à canaliser, il faut qu’elles soient plus que
des visées ; il faut qu’elles soient des œuvres de claire -
obscure voyance. Ce qui est rare. « Ces projections de la
conscience aux aguets dans des figures qui la soutiennent,
elles ont un dessein, elles font paraître un vouloir,
ceux-ci de mieux comprendre et mieux vivre notre condition
d’êtres jetés dans le monde de l’immédiat mais séparées de
lui par les médiations du langage, et donc oublieux de la
finitude et en risque d’être privés des vrais besoins, des
vraies tâches.
Cette expression figurale, c’est pour aller à la vérité, et
l’affronter, dans son lieu qui est au-delà des formulations
et reconstructions qui fleurissent dans les discours». Cet
espace mental de l’iconographie décrit ici par Yves
Bonnefoy, c’est celui des grands éblouissements réflexifs
ayant pu se produire dans l’histoire de la peinture, de la
sculpture, du dessin … Comme la musique, l’image est un
avènement non verbal de l’intelligence du monde, une percée
de l’irreprésentable des pulsions. Todorov a bien montré
qu’avant de naître dans le texte, l’humanisme et ses
appropriations plus individuées du monde furent d’abord
donnés à penser, à regarder dans l’art des enluminures
pratiqué à la fin du quatorzième siècle, puis au quinzième
dans les libertés prises par la peinture hollandaise et
italienne à l’égard d’un univers théocentré que par
ailleurs, elles se devaient de célébrer. L’image peut
anticiper le verbe, elle est du côté du rêveur éveillé de
Bachelard. Parfois, elle vient de la nuit, de notre part
nocturne, elle en devine les trames, les désastres et les
embrasements, ce que montre Yves Bonnefoy à propos de Goya
et de ses peintures noires racontant, dans ce siècle
des lumières, la cruauté et l’effroi dans l’humain, toujours
attaché à ce cauchemar inaugural du prédateur et de la
proie…
La Mélancolie, grand thème de la civilisation occidentale
dont la récente exposition
de Jean Clair a démontré avec brio, l’inactuelle et
l’actuelle résonance va aussi dans ce sens d’une pensée
figurale. L’antique, la sombre, la dolente, l’humorale, la
géniale, la mystique mélancolie se pense en ses figures
gravées,
peintes, sculptées tout autant qu’en ses textes. On ne dit
pas l’intuition de sa mort, on peut la montrer.
Edvard Munch, L’attraction 1,1896, lithographie
L’image peut frôler des vérités dangereuses, ce qu’illustre
avec une vigueur peut-être sans égal, le célèbre tableau d’Edvard
Munch, intitulé Le cri. Certes la photographie n’est
pas l’image picturale mais si je pense à Munch,
à ses intuitions, à ses visions tourmentées du siècle
tourbillonnant sur ses toiles, c’est précisément en raison
de la couleur noire, de cette dramaturgie plastique du noir
qui anime sa peinture. Or c’est aussi dans cette
confrontation directe entre le noir et le blanc que la
photographie travaille en ses débuts par nécessité, et puis
durablement, par choix esthétique ce que confirment la
pratique ordinaire et plus encore la pratique artistique des
instantanés. D’ailleurs, dans tous les exemples cités et
montrés dans cette conférence, cette pensée de l’œil révèle
le monde en noir et blanc, ce qui n’est pas sans raison ni
sans effet. Le tranché de cette écriture noire et blanche
des personnes, de leur environnement, de leurs actes donne
au document photographique, d’abord une forme plus
abstraite, plus ascétique qui le rapproche du mode idéel de
la pensée. Mais l’affrontement incisif, l’énergie du noir et
blanc ne jouent seulement sur les valeurs intellectuelles du
dépouillement, ils se donnent également à lire, à ressentir
dans la gamme de leurs ténébreux, de leurs éblouissants
échos. Il y a comme une immanence lyrique du noir et blanc.
Il magnifie en toute conscience et empathie, les portraits
de société d’un Walker Evans, qui fut d’ailleurs, un temps
adepte du pictorialisme. Parfois, il magnifie même à contre
cœur, le réalisme souhaité d’un August Sander.
Période pictorialiste
sur le thème de la villedans le métro |
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Série de portraits pris
subrepticement |
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Walker Evans, New-york, 1928 |
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Walker Evans, New-york, 1938 |
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1946, Evans
poursuit sa quête des portraits, dans la ville industrielle
de Détroit, il centre l’intérêt de l’image sur les sujets
mêmes, des ouvriers, des passants absorbés dans leurs
pensées.
« Qui l’ignorerait a pu l’apprendre des meilleurs films
russes, que chez les photographes, milieu et paysage ne se
révèlent qu’à celui qui sait les saisir dans leur anonyme
manifestation sur un visage » écrit Walter Benjamin.
Evans en réponse à ces remarques déclare qu’ils
s’intéressent aux portraits des gens en tant
qu’ils sont anonymes.
Indépendamment du fait que de tels termes (ceux d’Evans)
soulignent encore cette obsession de l’enquête policière
chez le chasseur, le montreur d’images, nous pourrions
ajouter que la pensée figurale enclose entre autres dans la
photographie, propose à la sociologie des chantiers :
s’approcher des visages pour y découvrir et le sujet
(oublié, voire expulsé du scientifique) et le milieu
(si idéologiquement supposé) et le paysage (aux strates
anthropologiques si rarement recherchées)
s’alimenter à cette source métaphorique de l’image pour
révéler quelque part implicite, refoulée du réel (comme dans
ce surgissement de gravité des portraits, par ailleurs « si
peu portraits ») de Walker Evans.
Oser le lyrisme de la vie à fleur de ces figurations
contrastées des lumières noires et blanches, sans gommer
toutes les nuances des gris, des ombres, des moires qui les
bordent ou les traversent.
En bref, s’aider de l’interface sujet/objet inscrit dans la
photographie pou faire surgir un réel plus inconscient,
moins raisonnable, qui fait sauter les automatismes de
défense de la pensée.
Dans ma recherche actuelle sur les visages de la voix dans
la chanson,
je me suis approchée de ces photos, de ces icônes, de ces
miroirs de Piaf, entre autres. Ces images - clichés, toiles
ou archives filmiques, presque toujours en noir et blanc,
annoncent un tragique ; elles en renforcent l’emblème. Et
je vais, j’essaie d’aller, via la collection des portraits,
à la rencontre d’un art singulier, d’un milieu, d’un
paysage…
3°AXE
La vie extra-ordinaire
Le
quotidien est une notion bien difficile à définir de même
que celui de culture ordinaire, cette inconnue échappant aux
langues artificielles des savoirs. Toutefois cette
sociologie du commun qui eut ses pionniers - je pense à
Michel de Certeau, à Ludwig Wittgenstein de la dernière
période – suit désormais, malgré les réserves des plus
académiques, des voies plurielles dans les sciences
sociales :
celles de Michel Maffesoli, de Claude Javeau, de Pierre
Sansot, pour ne citer que les noms les plus connus. Je me
contenterai ici de dire que le quotidien, c’est l’expérience
fragmentaire et son récit éclaté, qui en capte la mémoire,
qui en murmure le palimpseste.
De Robert Musil
à Freud,
on pourrait d’ailleurs dire que le vingtième siècle baigne
dans l’imaginaire pessimiste du commun, le plus souvent
appréhendé comme forme du nivellement contraint, comme
topos d’une humanité où chacun est désormais personne.
Cette logique d’érosion et de dérision de la singularité
ou de l’extraordinaire comme la nomme Michel de Certeau,
est sans doute plus proche de l’idéologie que d’une analyse
concrète des pratiques. Dans l’enquête empirique et surtout
dans la réalité vivante, le commun ne se réduit jamais au
concept de masse aliéné. Sur cette base Michel de Certeau
peut écrire : « Le quotidien est parsemé de merveilles,
écume aussi éblouissante que celle des écrivains ou des
artistes. Sans nom propre, toutes sortes de langages donnent
lieu à ces fêtes éphémères qui surgissent, disparaissent et
reprennent ».
Les photographes vont eux aussi être pris dans cet esprit de
recherche d’une science, d’une éthique, voire d’une
politique des cultures ordinaires. Le paradigme du banal,
autrement dit des activités signifiantes communes, dans ce
siècle de prolifération des experts sans pensée de la
totalité, est paradoxalement devenu omniprésent. Que l’on se
réfère à la modernité ou postmodernité des temps : L’every
day of life, son flou, sa légèreté, son absurdité, sa
ténacité, son insistance, son âpreté c’est d’un côté, ce que
l’on traque, c’est, de l’autre, ce que l’on magnifie. Sous
ces deux modalités (déconstruction ou sublimation), la
figure du banal, du trivial, du quotidien, du commun vont
hanter la photographie d’un vingtième siècle où s’accélèrent
en tous domaines, les phénomènes de standardisation de la
consommation, de la production et les risques induits. C’est
sous la forme de leur apparente obsession documentaire quant
à la sténographie de l’histoire collective que l’art, les
productions photographiques d’un Evans, d’un Russell Lee,
d’une Dorothea Lange vont marginalement intéresser les
sociologues. C’est a contrario, par leur capacité respective
(Evans en particulier) à jouer, du sein de leurs choix
esthétiques du réel, ces rôles de composition de reporters
du monde qu’ils vont créer sur la vie commune, les images
les plus lyriques de leur époque ; vie commune en
l’occurrence, curieusement traquée et magnifiée à la fois.
Restaurer ou désymboliser la compétence collective,
restaurer ou désymboliser le sens individuellement habité de
tout acte, de toute chose ? Le clivage est désormais de
portée sociétale ; la coupure s’est radicalisée en tout
domaine. Arts de l’image ou sciences humaines se heurtèrent,
se heurtent à cette même alternative. Je ne prendrai que
trois exemples parmi les photographes et les plasticiens
ayant participé à cette problématisation du monde …et dont
images et réflexions furent de ce fait, appelées à croiser
les discours toujours mixtes des sciences sociales, un peu
sciences peut-être, un peu humaines aussi, malgré leur
crispation à paraître sous un autre jour.
Doisneau va magnifier la vie quotidienne. Henri Cartier-
Bresson de même et ce quelque soit la différence de leurs
styles et de leurs engagements dans cette
organisation du visible
qu’ils souhaitent délivrer.
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Doisneau, 1949 : le prolétariat de la ceinture. Rouge
est le plus fier du monde. Après le casse-croûte. Renault à
Billancourt. |
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Henri Cartier- Bresson,
Rome, 1959 |
Exemplaire
en cela de bien des plasticiens de l’art contemporain, Luc
Boltanski va lui, au contraire, explorer le côté sombre de
la photographie, ce en quoi elle n’est qu’une parodie du
réel, ni vérité, ni mensonge : illusion peu susceptible de
révéler quelque cosmologie de forme, de rythme ou d’identité
même éphémère. Cet autre art sans art, fait de
coupures de journaux, de vieilles photographies, de
vêtements usagés … dépouille le quotidien évidemment de
toute embellie, pas vraiment de tout sens comme cela sera le
cas plus nihiliste de performances d’artistes contemporains
autour de photos de tous les jours, de photos de
familles ratées. Il reste malgré tout chez Boltanski un
questionnement sur l’extraordinaire étrangeté du monde
finalement.
Images d’une année de faits divers, 1973.
Vue d’installation,
Sonnabend Gallery, New York
Ce sont
en partie les définitions sociales de la normalité et le
caractère souvent trompeur des apparences qui ont inspiré
une œuvre réalisée entre 1972 et 1973. Pour ce travail
Boltanski avait simplement découpé quatre cent huit clichés
de criminels et de leurs victimes dans « Détective», un
hebdomadaire spécialisé dans les faits divers sanglants. Ces
quatre cent huit clichés, marouflés sur du papier gris et
simplement punaisés au mur, les uns au dessus des autres,
créaient par leur nombre un ensemble imposant, et leur
accumulation faisait oublier la pauvreté des moyens mis en
œuvre. Comme la plupart des journaux à sensation,
« Détective» illustre ses articles de photos de famille qui
sont souvent les seules traces photographiques d’individus
souvent jetés en pâture au public, soit qu’ils ont commis un
meurtre, soit qu’ils sont les victimes.
Privée de légende, la photographie ne fait plus advenir une
organisation du visible, elle déploie un chaos. Ici
l’impossible distinction entre le criminel et la victime,
projetant à sa manière la part mortifère, maintes fois
relevée de la photographie. Ce qu’il ne cessera pas de
souligner, avec plus de force encore dans cette installation
de 1989.
Le
quotidien, c’est aussi ce que j’avais voulu saisir à travers
le prisme des décors intérieurs des familles populaires…
Tous ces objets muets devenant dans l’écriture de l’image,
symptôme d’un véritable
sociotope
d’une esthétique
ordinaire de la vie.
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Je
signalais en début de conférence cette notion de
photographie comme un amplificateur d’existence,
notion qui peut s’appliquer à ses usages amateurs, spontanés
comme à ses usages artistiques. En effet si le thème du
quotidien s’inscrit fortement chez certains photographes
contemporains qui vont par ce biais susciter quelque intérêt
chez les sociologues, la pratique de plus en plus courante
de la photographie, va elle aussi s’emparer à sa manière, du
quotidien.
Elle va
intervenir comme évènement, comme marqueur d’intensité dans
le temps des micro-ritualités qui tissent l’ordinaire des
jours. Elle est un rite dans le rite comme en témoignent et
les albums de famille et les décors dont nous nous
entourons. La photographie sous régime banal des images
privées qui nous accompagnent, capte des sens existentiels,
des sens biographiques très forts. La plus simple
photographie aura parfois la force d’une relique, la force
d’une icône, elle gardera une part sacrée de notre mémoire
et de nos deuils intimes.
Entre
crainte, réaffirmation identitaire, entre nécessité du
souvenir et nécessité de l’oubli, Marguerite Duras évoque
cette cristallisation extra-ordinaire de la tragédie de la
vie condensée dans l’instantané photographique, miroir des
siens, miroir de soi.
Extrait
P.100 in Marguerite Duras parle à Jérôme Beaujour
Il n’y a pas de photographies de votre
arrière grand-mère. Vous pouvez chercher dans le monde
entier, il n’y en a pas. Dès que l’on pense l’absence de
photographie devient un manque essentiel et même un
problème. Comment ont-ils vécu sans photos ? Il n'y a
rien qui
reste après la mort, du visage et du corps.
Aucun document sur le sourire.
Et si on avait dit aux
gens que la photo viendrait, ils auraient été
bouleversés, épouvantés.
Je crois qu'au contraire de ce qu'auraient cru les gens et
de ce qu'on croit encore, la photo aide
a l'oubli. Elle a plutôt cette fonction dans
le monde
moderne. Le visage fixe et plat, à portée de
la main,
d'un mort ou d'un petit enfant, ce n'est
toujours qu'une image pour un million d'images dont on
dispose dans
la tête. Et le film du million d'images sera
toujours le
même film. Ça confirme la mort.
Je ne sais pas à quoi
a servi la photographie dans ses premiers
âges, pendant
la première moitié du vingtième siècle, quel
était son sens pour 1'individu, au coeur de sa solitude, si
c'est pour
revoir des morts ou si c'est pour se voir
lui. Se voir lui
je suis sûre. On est toujours soit confondu,
soit émerveillé,
toujours étonné, devant sa propre photo. On a
toujours plus d'irréalité que l'autre. C'est
soi qu'on voit
le moins, dans la vie, y compris dans cette
fausse perspective du miroir, au regard de 1'image composée de soi qu'on veut
retenir, la meilleure, celle du visage
armé que l’on tente de
retrouver quand on pose pour
la photo.
Marguerite
Duras, Les photographies, in Duras La vie matérielle,
P.O.L. 1987
Cette place extra-ordinaire de l’image photographique dans la reconquête de
soi va alors faire l’objet de nouvelles études sociologiques
entraînant la coopération directe, indirecte de photographes et
de chercheurs en sciences sociales. Nouvelle manière d’être
photographe. Nouvelle manière d’être sociologue. Et nouvelle
rencontre de connaissance et d’engagement. Je ne prendrai qu’un
exemple celui du travail réalisé par Marc Legros (photographe)
et Yves Prunier (sociologue) auprès de la population d’une cité
angevine.
Cet ensemble d’habitat collectif aux marges de la ville vit
comme beaucoup d’autres aux rythmes de la stigmatisation
permanente, celle des médias, celle des normalisateurs de toute
obédience ; parmi tous les problèmes à affronter
quotidiennement, celui de cette image de soi brouillée, détruite
par les discours et les regards des autres, celui des classes
parlantes
incluant éventuellement entre misérabilisme et mépris, (mais
n’est-ce pas la même chose ?) discours et regards du
« sociologue des banlieues ».
La démarche a consisté à donner à chaque famille volontaire la
possibilité de prendre une série de 24 photographies illustrant
leur vie quotidienne et sur un choix de cinq photos de susciter
un commentaire. Au final, après deux années d’élaboration, 100
prises de vue ont vu le jour. Cent prises de vues
où le sociologue assure le travail des légendes issues de
l’entretien avec chaque photographiant, où le photographe
professionnel assure la mise en scène des clichés et des textes
dans une exposition d’une semaine renvoyant aux habitants, cette
reprise d’images sur eux-mêmes. Reconquête d’identité
bien fragile que celle fixée dans un livre de photographies,
mais tentative de se réapproprier dans l’événement
extra-ordinaire, son territoire, mais surprise heureuse de se
montrer au meilleur de soi. Contre tout moralisme
idéologique, bien loin des discours canoniques tenus sur
eux, c’est le quotidien comme embellie, comme fierté, c’est
cette image que les habitants de la cité ont souhaité
souligner.
Anita, 41ans, habitant la cité depuis 19 ans, d’origine
gitane, a choisi de photographier son enfant…
Entre tradition de la caravane et fixation dans le logement,
La petite fille jubile dans son bain improvisé …
Je
pense à l’iconographie de la Salpétrière, aux
hystériques de Charcot, ce spectacle clinicien (terme
bien paradoxal) de la douleur qui mêle à ses débuts, la
psychanalyse à l’image.
Yves Bonnefoy,
Goya, Les peintures
noires, William Blake and Co Edit. , 2006
Londe A.
La photographie dans
les arts, les sciences et l’industrie,
Gauthier-villars, 1888, Paris, cité in Georges
Didi-Huberman, Invention de l’hystérie, éditions
Macula, Paris 1982.
Georges Canguilhem, Le normal et le
pathologique, P.U.F, Paris 1966 cité in Georges
Didi-Uberman, Invention de l’hystérie, éditions
Macula, Paris 1982.
Gilles
Mora et Claude Nori, L’été dernier. Manifeste
photobiographique , Paris , Editions de l’Etoile,
1983 cité in Photographie et mises en images de soi
, sous la direction de Christine Delory- Momberger,
Association Himeros
Nadar, Quand j’étais photographe, Flammarion, Paris,
1900
Roland
Barthes, La chambre claire, note sur la photographie,
Cahiers du cinéma/Gallimard, Paris, 1980
Paroles d’Albert Londe, dans les années 1880,
rapportées in Invention de l’hystérie, op.cit.
Op. cit.
Analysée par Clément Rosset, Fantasmagories,
Editions de Minuit, 2006, Paris
Roland Barthes, Le Message photographique,
communication n°1, 1962
Ce que reprendra Jean -Pierre Terrenoire dans un article
souvent cité Images et sciences sociales : l’objet,
l’outil, Revue française de sociologie, XXVI
Roland Barthes
dans la chambre claire écrit à partir d’un corpus
électif d’images de presse et de photographes, beaucoup
de portraits, notamment des portraits réalisés par
Nadar.
Clément Rosset, op.cit.
Titre de l’article de Bernard Koechlin, in Histoire
des mœurs publié sous la direction de Jean Poirier,
Encyclopédie de la Pléiade, Gallimard, 1991
G. Bateson, M. Mead,
Balinese
Character : A photographic Analysis, New York, 1942
Le plus connu qui publiera pour ces ouvrages les plus
fameux : La clef des gestes,
Tribes, Manwatching, a field guide to human behaviour
R. L. Birdwhistle, Kinesics and context,
Pensylvania Press, 1970
M.Emmanuel, La danse grecque antique d’après les
monuments figurée, Satkine Reprints, Genève-Paris,
1958
J.
Mouchon, Le Débat Giscard-Miterrand ou la stratégie du
geste et de l’image, das « geste et image », n° 3,
CNRS, Paris, 1983
E.J. Marey, La méthode graphique dans les sciences
expérimentales et principalement en physiologie et en
médecine. Masson, Paris, 1885 2°édition, référencé
dans L’invention de l’hystérie op. cit.
Le Monde, Article du 17 Novembre 1995, à la suite d’une
rétrospective consacrée à Sander
Formule empruntée à
Georges Didi-Uberman, Invention de l’hystérie,
éditions Macula, Paris 1982.
Manuela
de Tervarent, Caroline Collinet, Isabelle de Schoutheete,
préface de Claude Javeau, Noblesse intime,
Editions de la Longue Vue, Paris, Bruxelles, 1999.
Vouloir
s’acharner comme le font certains sociologues, sur cette
seule dimension pour défendre l’usage sociologique de
la photographie me semble vain. Quand à vouloir mettre
la preuve photographique en parallèle à la preuve
statistique, cela revient à être encore obsédé par le
modèle du chiffre.
Norbert Ghisoland, Fragments de vies ordinaires,
éditions Vu d’ici / La lettre volée, Bruxelles, 2002
Cf Sylvain Maresca
Le recyclage
artistique de la photographie amateur in Les
Peuples de l’art, textes réunis sous la direction de
Joëlle Deniot, Alain Pessin, l’harmattan, Paris 2006
En effet, seules les photos à teneur figurative ont de
l’intérêt pour les sciences sociales, sauf dans le cas
spécifique d’une étude exclusivement tournée sur l’art
photographique et ses mutations.
Cité par Jean-Loup Charvet in L’éloquence des larmes, Ed.
Desclée de Brouwer, 2000
Expression empruntée à l’ethnologue Pascal Dibie
Cf pour trace, le catalogue de l’exposition, Mélancolie,
génie et folie en Occident ? Sous la direction de Jean
Clair, Réunion des musées nationaux/Gallimard, 2005
C’est Dürer qui grave sur cuivre au début du seizième
siècle et sous les t raits d’une jeune femme concentrée
et farouche, l’image la plus connue de la Mélancolie,
cet état particulier de l’esprit qui a profondément
affecté la pensée, l’art, la littérature et la médecine.
Qui sera aussi photographe, comme plusieurs grands
peintres de la fin du XIX° siècle.
Walter Benjamin, Petite histoire de la photographie
Cité in Gilles Mora et John T.Hill, Walker Evans, la
soif du regard, éditions Seuil / Close up, 1993
Non pas sur ce point spécifique, mais sur un ensemble de
textes écrits et mis en ligne à propos de la chanson cf.
Joëlle Deniot
http://www.chansons-francaises.info ou bien
http://www.chanson-realiste.com/
Notre équipe de recherche du Lestamp – Association,
lance d’ailleurs pour le printemps 2007, une revue en
ligne intitulé « Pour un lieu commun des sciences
sociales » et consacre son premier numéro identificateur
sur le thème du commun. Vous pouvez consulter l’appel à
contribution sur :
http://www.sociologie-cultures.com/ ou sur
http://www.lestamp.com
Robert Musil, L’homme sans qualités,
Gallimard, folio, Paris, 1978
Sigmund Freud, L’avenir d’une illusion, Puf, Paris, 1971
Michel de Certeau, L’invention du
quotidien, tome 1, Gallimard, 1990
Michel de Certeau, La culture au pluriel, Ed.
Christian Bourgois, 1980
Cité in Jean-Pierre Montier, L’art sans l’art
d’Henri Cartier Bresson, Flammarion, Paris,1995
Lynn Gumpert, Christian Boltanski,
traduit de l’américain par Anne Rochette, Flammarion,
Paris, 1992
Joëlle Deniot, Ethnologie du décor en
milieu ouvrier, le bel ordinaire, L’harmattan,
logiques sociales, Paris, 1996. Cf également pour un
aperçu visuel, Photographie et sociologie, Traces et
contrastes in
http://www.sociologie-cultures.com/traces/decors.htm
Terme emprunté à la préface de Claude Javeau, op.cit
Marc Legros, Yves Prunier, Verneau, 100 vues et
légendes de la cité, édition du nouveau théâtre
d’Angers, 2000
Concept emprunté à Jacques Bertin , Quelques
histoires intéressantes, Politis 7 Janvier 1999
cité par Jacky Réault, Entre l’altermondialisme et
l’anti-mondialisme, la question d’une servitude
in De bretagne et d’ailleurs, Mélanges offerts à
Anne Guillou, UBO, 2004
A
l’opposé de cette posture, la recherche d’Elisabeth
Lissé sur cette même cité justement. « On n’est quoi,
nous ? » D’une génération à l’autre, des vies au sein de
la cité Ney, thèse de sociologie, Nantes 2005.
A l’attention des étudiants : Tous droits de reproduction
réservés. Cet article est réservé à un usage pédagogique, sinon
il est à citer référencé comme n’importe quel article.
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A
propos du film Augustine
2012
4 janvier 2013
Lire Joëlle Deniot 2007 ?
Sur
l'iconographie
d'une voix autour de l'ouvrage de J Deniot pour le
cinquantenaire de la mort d'Edith Piaf aller en bas du document
Ce film épate les
critiques patentés du Monde comme du Figaro captés par le pur
spectacle très professionnel de la profession cinématographique
à l'ère du vide, alors qu'il constitue un véritable cas
limite de l'absence de regard, autre
qu'anecdotique et anachronique (une copulation "libératoire" dans le bureau,
fantasme si actuel des archipels urbains désindustrialisés de la
mondialisation), et du moindre point de vue problématique
sur l'hystérie et le corps des femmes objectivé, sous couvert de
la "science", dans un strict regard d'hommes, objectivant par tous leurs registres.
Ce qui, dans ce film, ne sombre pas dans la fausse
transparence d'une immanence du visuel court derrière les plus
troubles préjugés à propos d'une sexualité où l'intrusion
scientifique arrogante et la bien-pensance des dites
"libérations", constitueraient un sommet du "progrès"
humain quand ils alimentent de dangereux dénis de l'opaque
complexité humaine et de la sacralité des personnes, et des
droits absolus et liés de l'enfant et de la société vivante.
Dans
l'article ci-dessous, le propos de Joëlle Deniot,
sur ce qu'on pourrait nommer le "fétichisme de l'image
photographique" constitue a priori, et ceci dès 2007, un
des meilleurs angles de réfutation de ce triste ratage. N'offre
t il pas, de surcroît, un premier socle pour entamer une
véritable compréhension de ces séminaires expérimentaux de
Charcot, prodigieux moment d'interférence entre des femmes
du peuple radicalement réelles objectivées par un pouvoir
institutionnel strictement masculin, la "science", l'art, la
technique, et l'Etat même.
Ce
film a au moins le mérite de nous ramener à ce fait
historique civilisationnel de première grandeur et aux contextes
dans lesquels l'un et l'autre surgissent. Ne sommes-nous pas,
peut-être en France à la veille possible d'une véritable
"débandade de la raison" concernant la filiation dans la loi
même. Le positivisme de Charcot (qui ne réduit pas la
grandeur de son audace) et l'immanentisme borné de ce film
participant d'une culture de la "souveraineté du fantasme"
devraient se conjuguer pour que soit proclamé le
monopole intangible de la société, des familles, des
personnes, sur de tout ce qui concerne la symbolisation et
la normalisation des questions de la sexuation des personnes
humaines et de la fragile civilisation des relations et rapports
qui s'y inscrivent. Cela revient à en éloigner à jamais l'Etat,
les "scientifiques", les socio-idéologues du "genre", les
cliniciens, et dans le moment actuel, de confus
législateurs, en un mot tous les maniaques de l'objectivation...
et du déni des verrous anthropologiques de l'humanisation.
Jacky
Réault
11
novembre 2012
Sur
le fil d'une anthropologie sémiologique de Joëlle-Andrée Deniot,
LIRE son dernier ouvrage qui vient de paraître au Livredart Paris
(août 2012), Edith Piaf, la voix, le geste l'icône Esquisse
anthropologique. Illustré de 101 images au centre du propos
dont 41 sont l'oeuvre originale d'une grande artiste. Mireille
Petit-Choubrac. Une des rares oeuvres majeures de sciences
sociales qui soit aussi un livre d'art.
Images en abîme Vernissage de Mireille Petit-Choubrac
Edith Piaf, la voix, le geste l'icône (J A DENIOT) (photo Gérard Dehier)
LES VOEUX DU LESTAMP
Evènement
Table
ronde du 7 septembre 2012 à la Galerie Delta à Paris autour du
livre de Joëlle Deniot,
Edith Piaf, la voix le geste l'icone Esquisse anthropologique et
du vernissage de l'exposition de l'artiste nazairienne Mireille
Petit-Choubrac illustratrice du livre.-
Création sur Youtube de Jean-Luc Giraud, sur les prises de vue
de Léonard Delmaire
Cliquez
sur l'image pour accéder au
Youtube de 26 minutes.
Découvrez
Cliquez
sur l'image pour accéder au youtube de Jean Luc Giraud
sur les dessins de Mireille Petit Choubrac, l'artiste
nazairienne ayant illustré le livre de J A Deniot Edith Piaf La
voix le geste l'icone esquisse anthropologique Lelivredart 2012
Edith PIAF, la voix, le geste, l'icône.
de
ambrosiette
Esquisse anthropologique de Joëlle Deniot. Livre préfacé par
Jacky Réault, sociologue, illustré par Mireille Petit-Choubrac,
et publié aux éditions Lelivredart. (automne 2012)
La
préface est disponible
sur
www.lestamp.com
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